À Bonneville, les détenus marchent au grand air

Permettre à des personnes incarcérées à la Maison d’arrêt de Bonneville, en Haute-Savoie, de participer à des sorties en montagne, dans le cadre d’une action citoyenne (ouverture de refuges, nettoyage des pistes, accompagnement de personnes handicapées…). Tel est l’objectif du projet Prendre de la hauteur. Un moyen aussi de préparer leur réinsertion.

« Etre libre, ce n’est pas pouvoir faire ce que l’on veut, mais c’est vouloir ce que l’on peut. » Cette citation de Jean-Paul Sartre est devenue l’adage des membres de l’Association de soutien et de développement de l’action socio-culturelle et sportive (ASDASCS) de la Maison d’arrêt de Bonneville (74). Un nom un peu compliqué pour désigner une réalité pourtant simple et harmonieuse. Créée en 1981, à la demande de l’administration pénitentiaire, cette association intervient en soutien à des projets sportifs et culturels. Elle permet à des détenus de participer à des marches en montagne ou à des opérations de solidarité à l’extérieur de la prison. Une manière d’échapper à un quotidien souvent douloureux et de préparer la sortie.

La Maison d’arrêt de Bonneville accueille 160 hommes majeurs, 20 femmes majeures et une dizaine de garçons mineurs, prévenus ou condamnés (à de courtes peines). Leurs points communs ? Pas d’emploi, pas de qualification, l’addiction à un ou plusieurs produits, la maladie psychique, des carences affectives et éducatives… « Toutes ces difficultés favorisent une rupture du lien social et professionnel et une perte de confiance en soi », témoigne la présidente de l’association, Johanne Thouvenin, qui travaille dans l’établissement comme conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation. « L’incarcération ne doit pas se limiter à une dimension punitive par la privation de liberté, mais doit permettre ou amorcer le processus de sortie du parcours de délinquance. C’est dans cette optique que nous travaillons sur la valorisation de l’image de soi auprès de la population pénale. »

Outre leurs vertus apaisantes, les sorties en montagne (qui ne dépassent jamais deux ou trois jours) permettent également de créer une dynamique intra-muros grâce à des activités transversales, comme la réalisation de clips vidéo ou d’un journal interne (La voix intérieure) valorisant les actions menées. En partenariat avec d’autres associations, l’ASDASCS organise aussi des activités sportives sur la lac d’Annecy, des sorties pêche ou des actions de solidarité, comme le projet Odysséa, une course pédestre dont les bénéfices sont destinés à la lutte contre le cancer du sein. Ces projets auxquels participent également les agents pénitentiaires contribuent à établir une relation positive entre les personnels et les détenus. Ce qui représente un excellent préalable au travail d’accompagnement et de réinsertion.

Les marches en montagne « Prendre de la hauteur » ont lieu, elles, trois fois par an. Elles ne concernent qu’un tout petit nombre de volontaires triés sur le volet. Dans certains cas, elles permettent une rencontre entre prisonniers et personnes handicapées ou mal-voyantes. Une manière de lutter contre les préjugés réciproques. « Les personnes en situation de handicap ont souvent plus peur des détenus que l’inverse », explique en souriant Johanne Thouvenin.

Il arrive que certains, dans l’entourage, ne comprennent pas la démarche de l’association et s’étonnent que l’on puisse proposer de telles activités à des délinquants ou à des criminels. Johanne Thouvenin leur répond, gentiment mais fermement : « Prévenir la récidive, c’est aussi aller plus loin que la sanction. Il ne faut jamais enfermer quelqu’un dans son statut de condamné. Lui redonner confiance en lui, lui permettre de créer des liens et de s’ouvrir à l’extérieur, c’est déjà contribuer à sa réinsertion. » En prenant de la hauteur, c’est sûr, les détenus de la prison de Bonneville n’ont pas fini de s’évader. Et surtout, de se libérer, pour ne plus jamais passer par la case prison.

LAURENT GRZYBOWSKI

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