A la prison de Fresnes, des parloirs « d’un autre âge »

Ils sont censés constituer un instant de retrouvailles pour les détenus et leurs proches, mais dans la prison de Fresnes, la visite aux parloirs, exigus, malodorants et « d’un autre âge », relève de la gageure, témoignent des visiteurs.

« La première fois que je suis venu, j’étais choqué », raconte le père d’un détenu. Depuis le mois de mars, son fils de 19 ans est en détention provisoire à Fresnes, l’une des prisons les plus anciennes de France. Il y attend son procès pour tentative de meurtre.

« C’est Fresnes, quoi ! C’est la prison la plus pourrie de France », souffle-t-il, sa carte de visiteur dans une poche et un grand sac de linge à la main. « Les parloirs, c’est pas des parloirs. C’est sale, ça pue l’urine, c’est dégueulasse. Dans le couloir, il y a des rats par terre. C’est sûr, ce sont des prisonniers qui sont là, mais ce sont encore des êtres humains. Ici, ils sont considérés comme des animaux. »

Auteur d’une enquête critique sur l’état de délabrement des parloirs, l’Observatoire international des prisons (OIP) dresse un constat tout aussi sévère. Pour l’association, les parloirs de Fresnes « demeurent d’un autre âge », avec des boxes « sales » et « poisseux », « minuscules », « ni aérés ni ventilés »…

En 2005 déjà, l’ancien sénateur PCF Jean-François Voguet avait dénoncé l’exigüité « déplorable » des parloirs, grands « comme des WC ». Presque dix ans plus tard, le député écologiste Sergio Coronado, vice-président du Groupe d’études « prisons et conditions carcérales » a pu constater à l’occasion d’une récente visite à Fresnes que la situation n’avait guère évolué.

– ‘A peine deux mètres carrés’ –

Tout comme l’OIP, il dénonce « la grande vétusté » des lieux et surtout le maintien de murets de séparation, un dispositif pourtant interdit depuis une circulaire de 1983. « Ce sont des couloirs avec de part et d’autre des cellules d’à peine deux mètres carrés. D’un côté, le détenu et de l’autre, la famille. Un muret de 80 cm de haut et 25 cm d’épaisseur sépare la pièce et empêche tout contact direct », explique-t-il.

« Il y a encore des prisons où subsistent ces murets mais Fresnes est un cas un peu à part. Cela s’explique sans doute par un manque de moyens », ajoute-t-il. Le député prévoit d’écrire au directeur de la prison pour savoir comment celui-ci compte mettre l’établissement en conformité.

« Mais si on enlève les murets, les murs tombent », ironise un visiteur.

Pour lui, venir voir son fils est une vraie « mission ». « Il faut arriver une heure à l’avance. On passe les portiques de sécurité, puis ils nous ouvrent les portes. Il faut attendre une demi-heure dans une pièce, puis encore une demi-heure dans une autre pièce. Et c’est pareil pour ressortir. C’est comme si on était prisonnier », raconte-t-il, désabusé.

A Fresnes, les visites sont prévues du lundi au vendredi à 14 heures ou 15h30, pour une durée de quarante-cinq minutes, mais le samedi, les quatre sessions de parloirs sont réduites à seulement trente minutes. En 2013, 167.447 visiteurs se sont rendus à Fresnes pour 66.979 rendez-vous au parloir.

Inaugurée en 1898, la prison a vu passer près d’un million de détenus depuis son ouverture et 6.000 prisonniers y entrent chaque année. Au 1er juillet 2014, 2.368 personnes y étaient détenues pour une capacité de 1.404 places, soit un taux d’occupation de 170%.

Par Diane FALCONER – © 2014 AFP

source : Lepoint.fr
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