Vendredi 13 novembre, les victimes des attentats ont été meurtries dans leur chair mais aussi psychologiquement. Pour permettre leur reconstruction, ainsi que celle de leurs proches, des dispositifs spécifiques ont été mis en place.
« On soigne plus facilement un bras cassé que les conséquences psy »
« Débriefer », c’est-à-dire raconter à un professionnel ce qui vient juste de se produire : une étape fondamentale du processus de reconstruction. Pour Guillaume Denoix de Saint Marc, directeur général de l’Association française des victimes de terrorisme, « ce premier contact est un moyen de faire tomber l’angoisse » et doit être instauré le plus vite possible. Rapidement après les attentats, des cellules d’urgence médico-psychologique ont été activées à cet effet par le Ministère de la Santé. L’une a notamment été improvisée dans la salle des fêtes de la mairie du XIe arrondissement, à 800 mètres du Bataclan, une autre encore à l’hôpital de Saint-Denis. Le SAMU, qui gère ces cellules, a également patrouillé aux abords des lieux des drames pour repérer ceux qui auraient besoin d’une prise en charge psychologique.
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À l’hôpital, les proches des victimes sont eux aussi dans la détresse. Florence Bataille, psychologue dans un grand groupe public, a spontanément proposé son aide pour les épauler bénévolement. Pendant parfois des heures, dans la cafétéria jouxtant l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, elle a écouté les récits de ceux qui souffrent du « syndrome du survivant ». « C’est ce sentiment de ne pas se sentir victime parce qu’on est vivant. Il y a une forme de culpabilité. Ils considèrent qu’ils doivent aider les autres. Mais quand on subit un attentat, on est une victime. Même si on est en vie. Il faut le prendre en compte pour se faire aider et se soigner ». Trois rescapés du Bataclan se sont également confiés – des personnes ayant réussi à s’échapper de la salle dès les premières minutes de l’attaque, très chamboulées mentalement. « Ce n’est pas parce que vous n’êtes pas blessé physiquement que vous n’avez rien. On soigne plus facilement un bras cassé que les conséquences psychologiques d’un attentat dont on a réchappé », explique la psychologue.
Stress post-traumatique
Une fois l’urgence gérée, vient un deuxième temps de prise en charge. Un numéro a été prévu à cet effet : le 0800 40 60 05, qui oriente les personnes touchées vers une cellule interministérielle dédiée et permet d’établir « la liste ». « C’est l’outil essentiel pour identifier toutes les personnes victimes et les ayants droit », explique Carole Damiani, Directrice de Paris Aide aux Victimes. L’association fait parti du réseau Inamev, « seul organisme associatif officiel désigné par la circulaire ministérielle fixant les règles de prise en charge », notamment celle des victimes d’attentat. Pour réclamer de l’aide, toute personne se sentant fragilisée peu contacter l’association au 01 45 88 18 00. « En fonction de si vous êtes plus ou moins directement touché, on vous aiguillera vers le service compétent », explique Carole Damiani, « par exemple vers le département de psychiatrie d’un hôpital ».
Deux psychologues de Paris Aide aux Victimes sont également mobilisés à l’Ecole Militaire. Là-bas, une cellule d’aide a été mise en place samedi et dimanche pour les proches des tués et des blessés. Les deux psychologues civils sont là en soutien du Service de Santé des Armées, responsable de la cellule. « Le médecin psychiatre qui la dirige est notre coordinateur national sur les problématiques de stress post-traumatique, et est aidé de son équipe », explique Le Colonel Chantal Roche, Chef du bureau communication et information du SSA. « Nous sommes dans un cas de médecine de guerre, ce à quoi nous sommes confrontés dans notre métier. Nos praticiens et infirmier, quand ils sont en opération extérieure, vont par exemple soigner un groupe de combat victime de l’explosion d’un engin improvisé », développe-t-elle. Les cellules d’accueil mises en place aux hôpitaux militaires de Percy et Bégin, où des blessés ont été acheminés, ont aussi aidé les soignants, « pour qui ça n’est pas facile », rapporte Chantal Roche.
Gérer l’après
Il faudra ensuite aux victimes gérer « les semaines, les mois voire les années qui suivent » les attentats, explique Carole Damiani. L’association leur offre de façon « strictement confidentielle et gratuite » un appui psychologique, mais leur apporte aussi les informations concernant « les démarches administratives, les indemnisations », ou encore les frais que représentent « la perte d’un salaire ou les démarches en justice ». Une aide indispensable pour ces personnes profondément touchées et qui n’ont souvent aucune idée de la lourdeur des procédures qui les attendent.
Certains devront aussi trouver du soutien une fois rentré dans leur ville d’origine. Venus à Paris pour assister au match, au concert au Bataclan, ou simplement pour y passer quelques jours, ils sont parfois déjà rentrés chez eux. Guillaume Denoix de Saint Marc explique avoir été en contact « avec un homme venu voir le match et qui n’a pas pu trouver de billet. Il était devant le stade et a été blessé par une des explosions ». Terriblement choqué, ce dernier « est reparti tout de suite chez lui, à Toulouse ». Carole Damiani explique que les provinciaux pourront trouver l’accompagnement indispensable auprès des associations locales de l’Inavem. Et rappelle, encore une fois, la nécessité de se faire connaître, pour pouvoir un jour aller mieux.