« Bonjour, je suis député des Hauts-de-Seine, je viens pour visiter la prison avec des journalistes. » Il est 9 h 30 ce matin-là lorsque Thierry Solere (LR) se présente à l’accueil de la maison d’arrêt de Nanterre, qui compte un millier de détenus.
Depuis le 17 avril, la loi de modernisation de la presse autorise les médias à accompagner les parlementaires lorsque ces derniers se présentent à l’improviste devant les portes d’un établissement pénitentiaire.
« Choc carcéral ». La visite débute par la zone « arrivants ». « Notre mission est aussi d’éviter le choc carcéral, explique le lieutenant Chaduteau. La première crainte exprimée par les détenus est de ne pas être en sécurité en prison… » Les cellules peintes avec des fresques d’exploits footballistiques et des écrans de télé sont censées limiter le choc. Un aménagement initié par Pierre Botton, l’homme d’affaires condamné dans les années 1990, et qui œuvre depuis pour l’amélioration des conditions de détention. C’est lui aussi qui a impulsé les travaux d’aménagement du terrain de sport extérieur.
Direction le bâtiment mixte, où sont notamment incarcérés les arrivants pendant 4 à 11 jours. Pensé comme un centre de détention — pour les personnes condamnées — la maison d’arrêt de Nanterre accueille pourtant un tiers de prévenus, en attente d’être jugés.
Seize places pour les mineurs. Le bâtiment mixte réserve seize places aux mineurs en détention provisoire ou condamnés. De quelques mois pour des vols et des agressions et jusqu’à plusieurs années pour les affaires de mœurs. « Ils sont scolarisés et viennent de passer leur brevet », explique Magalie, éducatrice de la protection judiciaire de la jeunesse. Isolés des autres détenus, ils ont un terrain de sport dédié. Trois d’entre eux s’approchent du grillage : « Vous êtes de quel côté ? demande l’un des jeunes avant d’enchaîner : de droite je suis sûr ! Nous, on s’en fout de Sarko et tous les autres. Y’a que Marine Le Pen qu’on veut pas voir. » Avec une certaine désinvolture, ils énoncent la durée de leurs peines. Le plus jeune, âgé de 15 ans, doit encore rester neuf mois. Et semble peu sensible au discours du député sur l’intérêt de ne pas renouveler l’expérience.
Le « mitard ». Le quartier disciplinaire est dédié aux prévenus qui n’ont pas respecté le règlement intérieur. Un passage qui ne peut excéder 30 jours. Il compte dix cellules dotées de sas pour protéger les agents d’éventuelles agressions.
Les terroristes présumés à l’isolement. Ce quartier (dix cellules) est réservé à des profils particuliers, comme ce détenu soupçonné de terrorisme et arrêté à son retour de Syrie. « Il n’y a rien à faire ici, les journées passent les unes après les autres », se borne-t-il à répondre très calmement. L’homme est arrivé il y a dix mois. Et attend la date de son procès. La question de la radicalisation en prison est évidemment abordée alors qu’Adeline Hazan, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, a rendu le 30 juin un avis défavorable au regroupement des détenus faisant du prosélytisme. Un regroupement qu’elle juge « potentiellement dangereux ». « Ce n’est pas le cas ici, répond le chef d’établissement, Jimmy Delliste. Nous avons des détenus qui ont ce type de profil, mais ils ne sont pas rassemblés dans un quartier particulier. »
Surpopulation, canicule et ramadan
Dans la chaleur écrasante de ce début d’été, l’administration pénitentiaire doit répondre à des problématiques spécifiques. A commencer par la surpopulation.
La maison d’arrêt de Nanterre, ouverte en 1990, a été conçue pour 592 détenus. Actuellement, ils sont un millier. Un chiffre auquel il faut ajouter les 150 condamnés sous surveillance électronique. Conséquence : les détenus sont deux par cellule.
Autre problématique actuelle : la vague de chaleur. «Nous avons un plan canicule, explique Jimmy Delliste, le chef d’établissement. Par exemple, nous essayons de décaler les horaires de promenade, des distributions d’eau sont organisées, et les détenus peuvent cantiner (NDLR : acheter, en langage carcéral) des produits solaires.»
Enfin, le mois de jeûne du Ramadan, respecté par 450 détenus, a nécessité de revoir l’organisation des repas. «Avant, on servait le repas du midi que les détenus conservaient pour le soir, explique Jimmy Delliste. Pour des raisons d’hygiène, l’organisation a été changée. Les repas sont servis le soir, avec une collation supplémentaire.»
A.-S.D.