Christophe Marquès, secrétaire générale du Syndicat national pénitentiaire-Force ouvrière, regrette que les problèmes du monde pénitentiaire ne soient pas davantage pris en compte par les responsables politiques.
Mutinerie et émeutes sont-elles fréquentes dans les prisons françaises ?
Non, mais certaines prisons sont devenues de vraies Cocotte-Minute. Il est évident que la surpopulation carcérale favorise les tensions. On compte aujourd’hui 66 445 détenus dans les prisons françaises pour seulement 57 213 places. Dans les maisons d’arrêt, le taux d’occupation dépasse parfois 150 %. Concrètement, cela signifie que certains établissements disposent d’un surveillant pour cent détenus. Les personnels sont débordés, le métier de plus en plus pénible. Une crise comme celle qui a secoué la prison de Vezin-le-Coquet mardi a de grandes chances de se reproduire. L’an passé, 940 agressions ont été répertoriées par l’administration pénitentiaire, contre 550 en 2010.
Des surveillants ont bloqué de nouveau mercredi certains établissements pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail. Quelles sont, selon vous, les mesures à prendre d’urgence pour enrayer ces problèmes ?
L’administration pénitentiaire recrute un millier de personnes chaque année, mais ce n’est pas suffisant. Des plus en plus d’établissements ouvrent en France et les personnels ne sont pas assez nombreux et pas assez formés pour accomplir les nouvelles tâches qui leur ont été confiées. Les missions d’extraction judiciaires, par exemple, sont assurées aujourd’hui par les gardiens de prison alors qu’elles étaient auparavant du ressort de la police et de la gendarmerie. Cela signifie que lorsqu’un détenu est transféré au tribunal ou devant un juge d’instruction, il est accompagné par un agent de la pénitentiaire. Rien que pour remplir correctement ces missions, nous manquons de 2 000 personnes.
Comment comptez-vous saisir les responsables politiques ?
Nous avons écrit aux dix candidats à la présidentielle pour les informer de l’ampleur du malaise. Nous leur avons proposé de les rencontrer mais aucun n’a répondu. Alors que les problèmes de la police et de la justice sont débattus, ceux de la pénitentiaire restent ignorés. Nous sommes en bout de chaîne, mais il ne faut pas oublier que nous représentons la troisième force de sécurité du pays. Nous nous sommes toujours adaptés aux politiques pénales, seulement la systématisation de l’incarcération a ses limites. Construire des prisons et les remplir, c’est une chose. Les faire fonctionner, c’en est une autre.
Propos recueillis par Elise Barthet