Cinq organisations dénoncent la pénurie budgétaire des services judiciaires

ASH – 10/06/2016

Locaux dégradés, matériel manquant ou défaillant, conditions d’accueil déplorables, état de cessation de paiement, professionnels découragés… La pénurie de moyens qui sévit dans les juridictions a de graves conséquences sur le fonctionnement quotidien des services judiciaires, ont alerté ensemble cinq syndicats et associations – l’Association nationale des psychiatres experts judiciaires (ANPEJ), l’Association de politique criminelle appliquée et de réinsertion sociale (Apcars), l’Association des experts traducteurs et interprètes judiciaires (Expertij), l’UNSA Services judiciaires et l’Union syndicale des magistrats (USM) -, jeudi 9 juin au tribunal de grande instance de Paris.

Au moment des arbitrages interministériels sur les crédits 2017, et alors que le garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, a déjà publiquement déploré la situation sinistrée de son ministère, leur « volonté est de faire comprendre à Bercy l’importance d’augmenter substantiellement le budget de la Justice », a martelé Virginie Duval, présidente de l’USM. 

Un risque de ruptures d’activité

En lui réservant 0,20 % de son produit intérieur brut, la France figure au 37e rang sur 43 pays européens au classement du budget annuel consacré au système judiciaire, ont rappelé les organisations. « On se demande encore comment on fait pour travailler », a insisté Hervé Bonglet, secrétaire général de l’UNSA services judiciaires, témoignant de bricolages et de la « bonne volonté » de chacun pour pallier les insuffisances de l’institution. Même si le budget du ministère est globalement à la hausse (plus de huit milliards d’euros en 2016, contre sept en 2011), celui des services judiciaires a tendance à stagner tandis que l’activité des juridictions explose. « Sur 462,96 millions d’euros alloués aux frais de justice en 2016, 150 millions partent déjà pour apurer les arriérés », a indiqué Virginie Duval.

 

Les experts psychiatres, traducteurs, interprètes, associations socio-judiciaires qui mènent notamment les enquêtes sociales rapides, les contrôles judiciaires socio-éducatifs et les médiations pénales à la demande des magistrats pâtissent de ces retards. Ainsi, l’Apcars, qui intervient dans cinq tribunaux de grande instance (Paris, Bobigny, Créteil, Nanterre, Marseille) enregistrait « 1,7 million d’euros de créances à la fin avril et 10 000 euros de frais bancaires » liés à la dette de l’Etat, témoigne Frédéric Lauféron, son directeur général. « Nous avons réussi à faire débloquer 663 000 euros en mai après avoir rencontré le ministère », précise-t-il. Interrogé par les ASH, Denis L’Hour, directeur général de la fédération Citoyens et justice, partage ce constat sur les conséquences des factures impayées : « Les difficultés de trésorerie peuvent entraîner des ruptures d’activité. La fédération intervient régulièrement pour une vingtaine de dossiers dans l’année auprès de la direction des services judiciaires ».

 

Requête de parlementaires

A cela s’ajoute l’absence de revalorisation de la tarification des mesures, dont celle de l’enquête sociale rapide, « 70 euros par mesure depuis 12 ans », relève Frédéric Lauféron. Outre le fait que des opérateurs sont « à deux doigts de fermer », précise-t-il, le risque est de voir la professionnalisation du secteur menacée, avec des enjeux importants pour la mise en oeuvre de la politique pénale. « L’enquête sociale rapide intervient en comparution immédiate », illustre-t-il pour souligner l’importance de cette mesure dans l’individualisation de la peine.

Au-delà des moyens, des recrutements et des revalorisations qu’ils jugent nécessaires pour 2017, les cinq syndicats et associations demandent une « loi de programmation pluriannuelle » pour la justice, à partir d’un diagnostic partagé. Leur requête ne semble pas isolée. A l’occasion d’une visite, le 2 juin, au tribunal de Créteil, Dominique Raimbourg, président (PS) de la commission des lois de l’Assemblée nationale, et Philippe Bas, son homologue (LR) au Sénat, ont appelé à « sanctuariser » le budget de la justice dans une loi de programmation, afin qu’il soit « à l’abri des clivages politiques », a rapporté l’AFP après le déplacement des deux élus.

De leur côté, les syndicats représentant les personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) – le collectif CGT Insertion-probation, le Snepap-FSU et la CFDT Interco justice – continuent d’appeler à la mobilisation, dans l’attente de voir avancer les négociations sur les effectifs des SPIP et le statut des personnels. Plus de 80 % des services sont mobilisés depuis le début du mois de février, selon les syndicats, et plus de 60 sites avaient décidé de participer à « la semaine SPIP mort », du lundi 6 au vendredi 10 juin.

Article rédigé par Maryannick Le Bris

Retrouvez l’article sur les ASH

 

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