Congrès de l’USM : le syndicalisme judiciaire, « un impératif démocratique »

Le 40e congrès de l’Union syndicale des magistrats (USM), qui s’est déroulé des 10 au 12 octobre, à Bordeaux, a accueilli vendredi Christiane Taubira. Christophe Régnard cède la présidence à Virginie Duval.

 

Il avait prévenu le président de l’USM, Christophe Régnard. Cette année, il serait moins polémique qu’à l’accoutumée vis-à-vis de la Chancellerie. Deux raisons à cela : le magistrat, resté six ans à la tête du syndicat majoritaire, quitte son poste et l’USM fête ses quarante ans d’existence. « Alors plutôt que de parler de votre action [Madame la ministre, ndlr], je vais parler de la nôtre, de celle de l’USM (…) de ce qu’elle a évité, de ce qu’elle a obtenu, de ses combats pour une justice plus indépendante, plus efficace dans l’intérêt du justiciable », a déclaré Christophe Régnard, à Bordeaux, devant Christiane Taubira.

Il a surtout été question, en réalité, de syndicalisme au sein de la magistrature, « cet impératif démocratique », récemment attaqué par une partie de la droite1. « Rien ne peut justifier notre disparition, si ce n’est une volonté, plus ou moins clairement exprimée, de porter atteinte à ceux qui, quelle que soit la majorité, se sont battus depuis des années pour défendre l’indépendance de la justice et des magistrats ». La faute au Syndicat de la magistrature (SM) et son « mur des cons », certainement. La charge contre le SM débute. « Il serait stupide de ne pas percevoir qu’il existe aujourd’hui, comme hier, deux formes de syndicalisme judiciaire en France », lance le président de l’USM. D’un côté, un syndicat « apolitique et pluraliste », de l’autre un syndicat « minoritaire » et « assurément politique ».

Christophe Régnard a l’art du discours et de la critique acerbe. Alors, il rappelle la « Harangue à des magistrats qui débutent » du magistrat Oswald Baudot, membre du SM, et rédigée en 1974 : « Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron, pour l’écrasé contre la compagnie d’assurance de l’écraseur, pour le malade contre la sécurité sociale, pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice ». Sa réponse est nette : « Cette vision partiale et politique de la justice n’a jamais été la nôtre… et le ne sera jamais ! ». Et de continuer. « Appeler à voter pour un candidat à la présidentielle ou contre un autre ; ériger un « mur » de personnalités en les qualifiant de cons – j’y étais -, pour la simple raison qu’ils pensent différemment de vous ; éditer un guide du manifestant arrêté ; diffuser une contre-circulaire pour s’opposer à une loi votée par la représentation nationale… est-ce encore défendre la justice et les magistrats ? ». Non, et pire, ce syndicalisme-là – par ailleurs « incohérent »-, selon Christophe Régnard, mènera « à la perte » de la magistrature.

Mais que le SM s’exprime néanmoins « sans restrictions » car il n’y a aucune raison, a continué le magistrat, « de tenir individuellement pour responsable un magistrat pour les prises de positions des dirigeants d’un syndicat auquel il adhère ». Et puis, la neutralité du magistrat « n’existe heureusement pas ». « On ne demande pas au magistrat de n’avoir ni idées, ni valeurs, ni engagements philosophiques, religieux, politiques ou associatifs, ni appartenance syndicale. Juges et procureurs sont dans la Cité ». Alors, « il faut juste que les magistrats, dans leur acte de juger, s’abstraient de leurs convictions pour appliquer la loi de la République. Exercice difficile j’en conviens, qui trouve néanmoins des correctifs évidents dans la déontologie, l’éthique, la collégialité et l’exercice des voies de recours ».

L’apologie est belle. Le garde des Sceaux y répond et, dans un discours moins clair mais plus politique, va rendre hommage et défendre, également, le syndicalisme judiciaire contre ceux qui le considèrent « comme une plaie ». « Je pense qu’il n’y a pas lieu, en aucun cas, à controverse entre syndicats et le ministère. Mais il faut consentir à ce que le débat soit vif (…). La seule question est de savoir si les orientations publiques sont concertées, crédibles et intelligibles (…) », a déclaré Christiane Taubira. Selon elle, le devoir de réserve est une notion créée « essentiellement pour bâillonner ». Le syndicalisme dans la magistrature « doit aller au-delà de la simple défense des adhérents et des intérêts catégoriels. Car l’intérêt général transcende les intérêts catégoriels. Cette rencontre des intérêts catégoriels et de l’intérêt général doit se faire de façon encore plus évident dans le domaine de la justice (…). Les citoyens veulent des magistrats plus proches d’eux, dans la Cité. Le magistrat exerce lui-même un magistère dans la société et pas personnel. La diversité sociale va entrer dans la magistrature ».

Par Marine Babonneau

source : dalloz-actualite.fr
Partagez :