Contrainte pénale : une mise en œuvre semée d’embuches

Le feu vert du Conseil constitutionnel n’a pas levé toutes les incertitudes.Les personnels de probation et d’insertion sont déjà débordés.

Voilà au moins une réforme qui n’aura pas subi les foudres du Conseil constitutionnel. Les sages ont validé jeudi les articles concernant la contrainte pénale, la nouvelle peine censée sonner le glas de la politique du tout carcéral et renforcer l’individualisation des condamnations. Christiane Taubira, qui a défendu bec et ongles cette réforme, faisant face aux accusations répétées de laxisme de la droite et aux fortes réticences de Manuel Valls, peut souffler. La décision des sages, dont elle s’est aussitôt déclarée largement satisfaite, balaie les arguments brandis par l’UMP pour obtenir l’invalidation de la contrainte pénale, la mesure phare du texte définitivement adopté le 17 juillet dernier.

Mais la ministre n’est pas encore au bout de ses peines. Beaucoup de problèmes risquent de se poser d’ici et après le 1er octobre, date du lancement effectif de la réforme pénale. « Malgré la décision du Conseil, une incertitude juridique persiste, s’inquiète Céline Parisot, secrétaire National de l’Union des syndicale des magistrats et juge d’application des peines. La totalité de la loi n’a pas été analysée. Le risque, c’est que des prévenus saisissent le Conseil constitutionnel via les questions prioritaires de constitutionnalité, en plein milieu de leur procès. Cela ralentirait grandement la justice ». D’après la magistrate, cette situation aurait de quoi inquiéter bien des juges et les rendre réticents à prononcer cette nouvelle peine.

Suivi soutenu du condamné

Les syndicats de personnels chargés de la probation confirment. « C’est une vrai question », assure Delphine Colin responsable syndicale à la CGT pénitentiaire où elle représente les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) qui ajoute : « Très ambitieuse à l’origine, la contrainte pénale a peu à peu été réduite à une peine très similaire au sursis avec mise à l’épreuve. Elle aussi s’applique en milieu ouvert et nécessite un suivi. Les magistrats vont-ils réellement se saisir de la contrainte pénale alors qu’il existe déjà une procédure du même type, et dont ils n’ont aucune garantie en terme d’efficacité ? »

Le nouveau dispositif repose sur un suivi soutenu du condamné afin d’éviter les récidives. Cette approche représente une charge de travail supplémentaire pour ces accompagnants que sont les personnels des services pénitenciers d’insertion et de probation (SPIP). D’autant que le ministère de la Justice table sur 8.000 à 20.000 contraintes pénales prononcées par an. D’ici trois ans, « entre 16.000 et 60.000 personnes seront suivies au titre de cette nouvelle peine », indique l’étude d’impact du ministère de la Justice.

Le défi auquel vont devoir répondre les SPIP est d’autant plus rude que leurs effectifs ont peu évolué.  « Aujourd’hui, en moyenne annuelle, chaque accompagnant s’occupe de 120 à 130 individus. Pour un suivi de qualité, il ne faudrait pas excéder 50, estime Delphine Colin. I l y a eu un tournant en 2011. Après l’affaire Laetitia Perrais, où une jeune femme avait été assassinée par un récidiviste qui n’avait pas été correctement suivi, la Chancellerie a pris conscience de l’ampleur du problème. Résultat, le nombre de dossiers sur mon bureau a doublé. »

1.000 embauches sur trois ans

Certaines promesses pour diminuer les piles de dossiers n’auraient pas été tenues. « En 2009, lors de l’examen de la loi pénitentiaire, 1.000 embauches dans l’ensemble du service pénitencier avaient été annoncées, indique Céline Parisot. Mais aujourd’hui, à peine la moitié a été recrutée. En fait, on comble les trous. Le service n’est pas à la hauteur. Cela ne va pas mettre en confiance les magistrats ».

Dans le cadre de la réforme pénale, la Garde des sceaux a annoncé 1..000 embauches de SPIP sur trois ans. Un premier lot de 300 recrues doit venir renforcer les rangs de ces personnels dès octobre. Mais selon les syndicats, le problème risque de ne pas être réglé de sitôt. « Ces personnes vont d’abord devoir suivre une formation de deux ans avant d’être opérationnelles, rappelle Delphine Colin. Dans le meilleur des cas, il commenceront à travailler dans un an. »

source : lesechos.fr
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