Contre la récidive, Bobigny tente la justice thérapeutique

Juger et soigner. À Bobigny, une expérience inédite en France est discrètement menée depuis trois mois.

Elle s’adresse aux personnes récidivistes et majeures qui, parce qu’elles sont accros à l’alcool, à la drogue ou d’autres substances, n’arrivent pas à se ressaisir. Pour elles, l’injonction de soins n’a pas marché, et la prison est une réponse inefficace. « Il faut sortir de cette trajectoire qui conduit à des actes transgressifs » a rappelé Christiane Taubira. La garde des Sceaux était ce mardi à Bobigny, pour le lancement du comité de pilotage de ce dispositif, inspiré du cousin québécois.

L’idée a germé lors d’un voyage d’échange il y a deux ans entre des professionnels de Seine-Saint-Denis et d’autres du Canada, réunissant des magistrats, des associatifs, des policiers, et représentants de la Mildeca (Mission interministérielle de lutte contre les drogues). Là-bas, ce programme existe depuis 2012, rappelle Élisabeth Corte, juge en chef au Québec. « Les résultats du programme sont difficiles à évaluer, puisqu’il est question de la qualité de vie des personnes, de leurs familles, mais sur 461 dossiers, 44 sont en cheminement, 22 ont complété le programme avec succès », avance la magistrate qui parle de confiance mutuelle.

Nouveauté dans ce dispositif : le binôme judiciaire et sanitaire. Dans la pratique, l’auteur d’un délit, dont l’addiction est avérée et signalée par le parquet ou l’avocat, est jugé mais sa peine est ajournée. Elle ne sera prononcée qu’un an plus tard. Pendant ce temps, l’intéressé, forcément volontaire, doit suivre un programme strict et sur mesure. Cinq heures par jour, cinq jours par semaine. Il doit aussi se présenter une fois par mois devant le juge d’application des peines. Il est suivi de près par des professionnels de santé et des associatifs. Les auteurs de crimes sont exclus, ainsi que les profils psychiatriques lourds. À Bobigny, six personnes ont été ciblées depuis le 30 mars. Quatre suivent actuellement le programme. Âgées de 45 ans en moyenne, elles cumulent à elles quatre le total de 80 ans derrière les barreaux. Une cinquantaine de personnes pourraient être concernées d’ici fin 2016. « Ca va être du feu de dieu cette expérimentation ! », lâche la ministre.


 

La ministre promet des effectifs en plus au tribunal

Ce n’était pas l’objet de sa visite, mais dans un tribunal où le personnel est essouflé, bousculé, et pas assez nombreux, le propos de Christiane Taubira n’est pas passé inaperçu. «Le solde deviendra positif à partir de septembre 2015», a promis la Garde des Sceaux, au sujet des effectifs du tribunal de Bobigny, où elle était accueillie par le président du tribunal Rémi Heitz et la procureure de la République, Fabienne Klein Donati. La répartition de ces arrivées n’a pas été communiqué mais «il arrivera plus de personnes qu’il n’en part», a assuré la ministre qui assure «faire très attention à la juridiction». Depuis plusieurs années, Bobigny est dans le rouge. En 2015, le manque de magistrats était particulièrement criant.

C.S.

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