Les fuites dans la presse ont poussé le procureur Brice Robin à révéler contre son gré de nombreux détails, qu’il aurait voulu taire le temps de l’enquête.
Froid pour les uns, maladroit pour les autres, usant de termes cliniques mais précis pour décrire l’horreur, le procureur de Marseille Brice Robin était surtout en colère ce jeudi midi, quand il s’est adressé à la presse. Furieux de devoir divulguer des éléments sordides sur le crash de l’Airbus A320 dans lequel 150 personnes ont perdu la vie. Et ce, avant même que l’on connaisse la motivation précise du copilote, qui a apparemment intentionnellement provoqué la chute de l’appareil. Le procureur a évacué le motif religieux, jugeant qu’en « l’état actuel des connaissances, après le recoupement des informations dont nous disposons sur lui en tant que personne, il n’y a pas de contexte terroriste ». Un suicide, donc, terrible, que celui d’un homme emportant avec lui l’âme de 150 autres personnes.
Selon les éléments qui ressortent de l’exploitation de la boîte noire retrouvée, le copilote était en vie avant l’impact, a volontairement fait perdre de l’altitude à l’avion, et l’on suppose qu’il aurait refusé d’ouvrir au commandant de bord bloqué à l’extérieur du cockpit.
La coopération entre une quinzaine de pays
Ces informations n’étaient pas censées sortir si tôt. Au moment même où des familles se rendent sur les lieux du drame, pour donner leur ADN permettant de le comparer à ce qui reste de leurs proches afin de les identifier. On le devine aisément, les fuites qui ont eu lieu dans la presse ont fortement irrité le magistrat. Mais les violations du secret de l’enquête sont légion en France, et quand elles sont poursuivies, elles restent bien difficiles à prouver. Dans cette affaire, la coopération judiciaire internationale avec une quinzaine de pays, dont les victimes sont ressortissantes, et donc de nombreuses autorités, rendait les fuites quasiment inéluctables. C’est d’ailleurs un journal américain, le New York Times, qui a le premier dévoilé des éléments.
Le procureur, jeudi midi, s’en est également pris au Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA). Sans le nommer clairement, le magistrat a ainsi froidement lâché : « Selon les éléments portés à ma connaissance – pour certains d’entre eux, un peu tardivement à mon goût -, la boîte noire du Cockpit Voice Recorder (CVR) a parlé ». Pire, des informations ont même un temps circulé, selon lesquelles ce n’était pas le copilote qui était aux commandes de l’avion, mais bel et bien le commandant de bord. Alors que ce dernier était probablement impuissant, bloqué à l’extérieur du cockpit, et prenant garde à ne pas faire trop de bruit pour ne pas alerter les passagers. Les premiers cris ne sont en effet intervenus, selon le procureur, que « juste avant l’impact ».