Cybercriminalité : « lutter contre une augmentation exponentielle des affaires »

François Molins, procureur de Paris, a réorganisé le parquet en créant notamment un pôle dédié à la lutte contre la cybercriminalité. Interview.

La rédaction : Lors de votre discours présentant la réforme du parquet début septembre, vous avez déclaré : « le second phénomène, c’est l’explosion des infractions financières relevant de la cybercriminalité. La lutte contre la cybercriminalité est désormais un enjeu majeur : on assiste à une augmentation exponentielle des affaires de faux ordres de virement au préjudice de nombreuses entreprises, escroqueries sur site de e-commerce, usage frauduleux de cartes bancaires… ». Pouvez-vous nous donner quelques chiffres à ce sujet ?

François Molins : Je peux vous donner quelques chiffres relatifs à l’année 2013 : 555 affaires d’atteintes à un système de traitement automatisé des données (STAD), et une centaine de dossiers de faux ordres de virement. Il est impossible de vous fournir des éléments statistiques comparatifs avec les années précédentes car ces infractions n’étaient pas individualisées dans les statistiques.

Pour autant, il relève de l’évidence que ces dernières années ont vu la généralisation de l’utilisation des nouvelles technologies dans la commission des infractions, l’essor des réseaux sociaux et d’une façon plus générale, la maîtrise croissante des nouvelles technologies par les délinquants. On assiste ainsi à une augmentation exponentielle des affaires de faux ordres de virement (qui n’existaient pas ainsi il y a 6 ou 7 ans), escroqueries sur site de e-commerce, usage frauduleux de cartes bancaires et pratiques commerciales trompeuses notamment sur des produits d’investissement attractifs à l’origine de pyramides de Ponzi. De même, se développent des fraudes massives, complexes et souvent internationales liées à la diversité et à la dématérialisation des moyens de paiement.

La rédaction : Vous créez donc un « pôle cybercriminalité ». La section F1 sera composée de deux magistrats. Est-ce suffisant face à « l’augmentation exponentielle » des affaires dont vous parlez ? D’ailleurs, est-il prévu une organisation « parallèle » avec des juges d’instructions dédiés à cette criminalité et une chambre spéciale au tribunal de grande instance ?

François Molins : La section F1 est composée de deux magistrats et d’un assistant spécialisé (C. pr. pén., art. 706) en matière de cybercriminalité. C’est un point de départ qui est suffisant puisque la compétence de la section est limitée aux STAD et aux faux ordres de virement et que ces trois magistrats et assistants spécialisés ne feront que cela ! Les effectifs ont bien sûr vocation à évoluer en fonction de l’état du parquet de Paris et du nombre et de la complexité des dossiers dont la nouvelle section sera saisie. Il n’y a pas pour le moment d’organisation parallèle au niveau du siège mais rien ne l’interdit. Cela relève des compétences du président du tribunal de grande instance.

La rédaction : La cybercriminalité a, disons, un champ d’application vaste pour ne pas dire tentaculaire. Comment allez-vous organiser la compétence de ce pôle avec les autres pôles qui pourraient avoir à traiter de la criminalité sur internet ? Qui va arbitrer ?

François Molins : Le domaine de la cybercriminalité étant effectivement tentaculaire, la compétence de F1 est limitée aux affaires de STAD et faux ordres de virement. Les autres infractions commises par internet continuent à relever de la compétence des sections en fonction de l’infraction d’origine, mais la section cybercriminalité aura vocation à intervenir en qualité de soutien technique aux autres sections chaque fois que le besoin se présentera.

source : dalloz-actualite.fr
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