Justice Deuxième chance (J2C) a organisé à la Chancellerie une matinée de réflexion consacrée aux actions à mener pour aider les détenus à leur sortie de prison dans leur recherche d’emploi. Diverses institutions, entreprises partenaires et associations étaient présentes.
« Justice Deuxième chance est un partenaire important du ministère de la Justice » souligne dans son propos introductif Gilles Le Chatelier, directeur du cabinet de Christiane Taubira, et cette matinée de réflexion revêt toute son importance « il y a urgence à traiter des sujets d’accès à l’emploi des personnes sous main de justice. La question de la réinsertion est difficile mais essentielle ».
Depuis la loi du 15 août 2014, la garde des Sceaux a porté une réforme majeure, en donnant des alternatives à la prison et en développant les peines effectuées en milieu ouvert, avec notamment la mise en place de la contrainte pénale et la libération sous contrainte. Ces dernières requirent deux conditions pour réussir la réinsertion d’un sortant de prison : la formation et l’emploi.
« Justice Deuxième chance est née d’une association, Robin des lois créée en 2009. Mobiliser et fédérer un réseau d’acteurs locaux et nationaux, accompagner et amener les conditions vers un emploi pérenne » tels sont les axes majeurs du projet J2C explique Xavier Périssé, président de l’association. Ce dernier considère que « l’emploi est une clé majeur de la dignité humaine ». Le travail est la voie incontournable pour la réinsertion et l’entreprise est le meilleur vecteur d’une réinsertion réussie. « Si les entreprises ne s’investissent pas, les efforts que nous faisons seront voués à l’échec » alerte le directeur de cabinet.
Créée à l’initiative de François Korber, fervent défenseur de la cause carcérale, de nombreuses entreprises et associations se sont fédérées autour de J2C, qui a pour vice-président l’ancien ministre Lionel Stoléru, fondateur du mouvement Genepi. Après une première expérimentation menée en 2014 auprès de 18 détenus, qui a abouti à 9 retours à l’emploi ou en formation professionnelle, 8 échecs et un retour à l’emploi autonome, l’association souhaite développer son réseau de correspondants et partenaires.
Pour Serge Portelli, magistrat, « la délinquance n’est pas une maladie incurable ou contagieuse. Le concept de désistance montre qu’on peut sortir de la délinquance. Trouver un emploi est un facteur essentiel de la résistance et l’entreprise a un rôle fondamental pour que ces gens reviennent à la vie ».
Mieux accompagner pour faciliter la réinsertion des détenus
Table ronde animée par Jean-François Connan :
- Louis Gallois, Président de la FNARS.
- Thomas Cazenave, Directeur Général Adjoint de Pôle Emploi.
- Jean-Jacques Prompsy, Rapporteur de l’étude sur les prisons de l’Institut Montaigne.
- Michel Guilbaud, Directeur Général du MEDEF.
- Julien Morel-d’Arleux, Sous-directeur à la direction de l’Administration Pénitentiaire.
- Denis Boissard, Directeur de projet de l’Union des industries et métiers de la métallurgie.
Après une présentation de J2C par son président, une table ronde a réuni entreprises, institutions et associations afin d’échanger sur la réinsertion. Il ressort de ce débat le concours nécessaire des entreprises : Thomas Cazenave, directeur général adjoint de Pôle Emploi insiste sur une intervention plus en amont, avec des partenariats innovants et créatifs pour aller plus loin et se diriger vers des solutions numériques.
Pour Jean-Jacques Prompsy, rapporteur de l’étude sur les prisons de l’Institut Montaigne, « c’est au plan local que les choses avanceront ». Il souligne également l’importance de l’implication de la société civile. Louis Gallois, Président de la FNARS, considère « qu’il est essentiel d’insister sur l’accompagnement ». Michel Guilbaud, directeur général du MEDEF pense qu’il faut une meilleure orientation du détenu en prenant notamment en compte les besoins des métiers en tension dans l’industrie. Faire le lien avec l’extérieur, valoriser l’emploi, choisir l’immersion en entreprise, sont autant de pistes qui ont été débattues.
En 2013, 26 661 personnes détenues ont suivi une formation professionnelle (bâtiment ; nettoyage, restauration, informatique, etc) 24 180 personnes ont bénéficié d’un emploi rémunéré.
A la suite de la table ronde, un ancien détenu réinséré par J2C a pris la parole pour témoigner de sa réinsertion. Porteur d’un bracelet électronique, il a effectué plusieurs missions d’intérim. Sa rencontre avec Paul de J2C va l’aider à se préparer aux entretiens pour finalement signer un contrat et obtenir un an de formation à la Poste. Le témoignage d’une marraine, ancienne du Génépi et consultante en transition professionnelle, est venu souligner l’importance de l’accompagnement, qu’il soit professionnel ou personnel (recherche de logement).
Pour Nicole Maestracci, magistrate et membre du Conseil constitutionnel « Il ne s’agit pas d’une population spécifique parce qu’elle sort de prison, il s’agit d’une population qui a des problèmes d’insertion professionnelle parce qu’elle a des problèmes de formation, d’échecs scolaires ou encore familiaux. Ce qui marche, c’est un accompagnement individuel à compter de la détention ou de la peine, jusqu’à l’emploi et après l’emploi ».
« C’est grâce à J2C que j’ai pu avoir une fiche de paye » témoigne l’ancien détenu qui a remis symboliquement à Robert Badinter, son premier bulletin de paie. « Un cadeau précieux » pour l’ancien Garde des Sceaux, venu conclure les propos de cette matinée : « ce que je retiens après tant de décennies, c’est l’extraordinaire continuité de ce sentiment de défiance qui marque la société française à l’encontre de ceux qui sont passés par la case prison ; Il y a une permanence d’insensibilité nationale ». Concernant les mesures en faveur des détenus, ce dernier déclare : « il faut agir toujours et n’en parler jamais », témoignant « d’une mystérieuse relation entre l’opinion publique et la prison».
« Il existe sur la prison, sur la condition des détenus, une loi d’airain : vous ne pouvez pas, dans une société déterminée, faire passer les conditions de vie des détenus au dessus du seuil du travailleur libre le plus défavorisé » selon Robert Badinter. Toutefois « on ne peut pas isoler la prison et les conditions carcérales du progrès social d’une société. Il faut combattre » lance t-il, avant de conclure sur la nécessité de la préparation à la réinsertion : « dès le départ, dès l’incarcération, un système pénitentiaire digne de ce nom devrait préparer un plan pénitentiaire et de sortie qui serait suivi pendant toute la période de la détention ».