Créée il y a tout juste un an, la contrainte pénale a été prononcée seulement 950 fois, une goutte d’eau par rapport aux dizaines de milliers de condamnations prononcées.
En finir avec le « tout carcéral », tel est le message martelé par Christiane Taubira depuis son arrivée Place Vendôme. C’est dans cette optique que la contrainte pénale a vu le jour le 1er octobre 2014.
Cette dernière, exécutée en milieu ouvert, consiste à imposer aux condamnés toute une série d’interdictions et d’obligations (traitement médical, suivi de formation, indemnisations victimes, etc.). Et ce en lieu et place d’une incarcération. Un an après sa mise en place, la contrainte pénale connaît des débuts modestes.
MOINS DE 1 000 PEINES EN UN AN
Seules 950 contraintes pénales ont été prononcées depuis le 1er octobre, soit dix à vingt fois mois que ce que prévoyait l’étude d’impact de la Chancellerie. La nouvelle peine – qui concerne les prévenus encourant une peine de cinq ans de prison au maximum – a principalement été prononcée pour des faits de violence (34 %), des délits routiers (32 %) et des vols (18 %).
Dans la moitié des cas, les obligations imposées ont été d’ordre médical (suivi d’un traitement, prise en charge psychologique, etc.). Dans 35 % des cas, elles ont pris la forme d’une obligation d’activités (formation, emploi, etc.). Ceux qui ne s’y seraient pas strictement soumis risquaient un placement en détention.
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DES MAGISTRATS EN CONCURRENCE
« C’est un type de peine intéressant mais on craint que les conseillers d’insertion, qui assurent le suivi de ces condamnés, peinent à absorber le surcroît de travail occasionné par cette peine », explique une juge du TGI de Paris, tribunal où seules huit contraintes pénales ont été prononcées.
Un député, bon connaisseur du dossier, avance une autre cause : « Cette peine modifie l’équilibre des pouvoirs au sein de la magistrature puisqu’une fois la contrainte pénale prononcée par le tribunal, c’est aux juges d’application des peines de choisir les obligations à prononcer. Et cela, ça passe mal. Les juges correctionnels se sentent dessaisis de leurs pouvoirs… »
LA CHANCELLERIE CONFIANTE
Ces débuts modestes n’inquiètent pas la chancellerie. « C’est une peine récente, il faut que les magistrats, comme les personnels sur le terrain, se l’approprient », estime le porte-parole de la Chancellerie, Olivier Pedro-José. Même discours dans les rangs des magistrats. « Le travail d’intérêt général avait lui aussi, en son temps, mis du temps à s’imposer », assure Véronique Léger, à l’Union syndicale des magistrats (USM).
La chancellerie attend par ailleurs beaucoup du renforcement des effectifs prévus au sein des services d’insertion et de probation. 1 000 nouveaux conseilleurs doivent en effet être recrutés sur trois ans, soit une augmentation de 25 % des effectifs.
QUEL IMPACT SUR LA RÉCIDIVE ?
On s’en souvient, la création de la contrainte pénale avait suscité de vives controverses. L’opposition s’était opposée à l’entrée en vigueur d’une telle peine, la voyant comme « un message d’impunité » envoyé aux délinquants.
Une accusation que récuse la Chancellerie. Se fondant sur les conclusions de la conférence de consensus organisée sur le sujet en 2013, elle assure qu’un suivi en milieu ouvert endigue davantage le risque de récidive que l’incarcération. Il est, en la matière, encore trop tôt pour tirer un bilan.
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MARIE BOËTON