Droit de vote des détenus : la CEDH condamne Londres

Le Royaume-Uni a subi, mardi 11 août, une nouvelle condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour sa législation privant du droit de vote ses détenus condamnés. Les juges de Strasbourg ont donné raison aux dix requérants qui se plaignaient de n’avoir pas pu participer aux élections européennes de 2009 du fait de la législation britannique controversée. Ils ne leur ont toutefois pas accordé d’indemnités.

Ce dossier empoisonne depuis dix ans les relations entre Londres et le Conseil de l’Europe (CE) – qui réunit 47 Etats, dont ceux de l’Union européenne. Le bras judiciaire du CE a marqué sa volonté de reprendre la main dans cet épineux dossier qui a déjà valu plusieurs condamnations au Royaume-Uni, la première remontant à 2005. Depuis, les requêtes de détenus se sont accumulées : plus de 2 000 affaires pour ce motif sont aujourd’hui pendantes devant la CEDH. En 2010, la Cour avait même enjoint le Royaume-Uni de modifier sa législation.

SOUVERAINETÉ

La jurisprudence est simple : un pays n’a pas le droit d’interdire le vote de manière systématique pour les condamnés, comme le fait la Grande-Bretagne, sans tenir compte de la nature et de la gravité des infractions commises. D’autres pays comme la Russie et la Turquie ont aussi été condamnés pour des raisons similaires.

Côté britannique, on considère que les juges de Strasbourg outrepassent leur rôle en s’immisçant dans un débat de société relevant selon eux de la souveraineté de chaque pays. Selon un porte-parole du ministère de la justice :

« Le gouvernement a toujours été clair sur le fait qu’il pense que le droit de vote des détenus est un sujet qui doit être tranché au Royaume-Uni. »

Le premier ministre, David Cameron, reste campé sur ses positions : « Les détenus n’auront pas le droit de vote sous ce gouvernement », avait-il insisté devant la Chambre des communes fin 2012. L’année précédente, les députés britanniques avaient déjà rejeté par un vote massif l’injonction de la cour de Strasbourg de modifier leur législation, du côté des conservateurs comme des travaillistes.

TEMPORISATION

En novembre 2012, le gouvernement britannique a tout de même rédigé un avant-projet de loi ouvrant plusieurs possibilités, allant du statu quo à l’autorisation de voter pour les détenus condamnés à moins de quatre ans de prison. Mais, après avoir reçu le rapport d’un comité parlementaire, il doit toujours présenter son projet de loi final, qui devra ensuite faire l’objet d’un vote du Parlement.L’arrêt rendu « montre que la cour maintient sa position, mais c’est un arrêt a minima, qui montre qu’on est encore dans une attitude de temporisation » vis-à-vis de Londres, a commenté Nicolas Hervieu, juriste en droit public (université Paris-Ouest) et spécialiste de la CEDH. Il relève notamment que la cour « aurait pu rappeler plus fermement que le Royaume-Uni continue de ne pas vouloir exécuter ses précédents arrêts » et, surtout, que les juges ont choisi de ne pas accorder d’indemnités aux requérants.

source : lemonde.fr
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