Devant le Congrès du syndicat majoritaire des magistrats, jamais la garde des Sceaux n’est apparue aussi mal à l’aise. Contrainte de rapeller les méfaits de la majorité précédente.
« Ce n’est pas la même chose », martèle Christiane Taubira à la fin d’un discours lors du Congrès du syndicat majoritaire des magistrats, trahissant son dépit. « Ce n’est pas la même chose », répète en boucle la garde des Sceaux en haussant le ton pour souligner qu’elle jugeait l’Union Syndicale des Magistrats (USM, 72,5% des suffrages aux dernières élections) injuste avec elle, toujours trop critique avec son action.
« Ce n’est pas la même chose! » récidive Taubira comme pour reprocher aux magistrats à qui elle fait face d’avoir oublié la politique anti-juge de Nicolas Sarkozy.
« Ce n’est pas la même chose », ponctue Taubira en réveillant un auditoire un peu endormi par son plaidoyer relativement peu éloquent. « J’ai créé le PNF [parquet national financier]alors que la majorité précédente avait dépénalisé les délits financiers. »
« Ce n’est pas la même chose », dit la ministre en comparant son profond respect pour la magistrature et les politiques de droite « critiquant les décisions de justice en jetant en pâture, à la vindicte publique, les noms de juges au moindre fait divers« .
« Un goût prononcé des désagréments »
La présidente de l’USM a pourtant chaleureusement remercié la garde des Sceaux pour son soutien au droit syndical des magistrats. Rien n’y a fait.
Manifestement, même avec tact et douceur, les critiques de l’USM ne passent pas. De l’indigence du budget des services judiciaires à la réforme du CSM et du parquet au point mort, du manque de concertation et de dialogue aux conditions de travail effroyables des magistrats.
« Votre procès est excessif »
« Votre procès est excessif », a lancé Christiane Taubira au sujet de la concertation. Elle prend au mot la présidente de l’USM: « Vous refusez la cogestion, donc vous admettez qu’il ne peut y avoir de concertation sur tous les sujets ».
Lorsque l’USM a reproché à Christiane Taubira de vouloir garder la main sur les propositions de nominations des procureurs, la ministre a réagi avec plus de virulence : « Si je vous donnais raison, ce serait à la magistrature de rendre des comptes sur la politique pénale devant le Parlement, y compris au moindre dysfonctionnement ».
La ministre huée
Après avoir assumé et profondément regretté ses retards dans la diffusion des propositions de mutations de magistrats, elle a mis en cause des juges qui, en modifiant leurs souhaits, désorganisent le travail de la Direction des services judiciaires. Provoquant un véritable tollé dans la salle.
Chistiane Taubira est demeurée impassible. Comme si elle sentait que jamais elle ne pourrait séduire ces magistrats-là. « Quoi que vous pensiez de ma personne -mon passage dans l’institution sera plus bref que le votre-, je vous remercie de l’image de dignité que vous donnez. » Sans rancune ?