Un programme destiné aux personnes poursuivies pour des infractions en lien avec l’islam radical doit être lancé d’ici la fin septembre au TGI de Mulhouse.
Avec plus de 4.000 signalements d’individus engagés « dans un processus de radicalisation » islamiste en France sur un an, entre mars 2014 et mai 2015, c’est un des enjeux majeurs auxquels la justice doit faire face : la déradicalisation. Et c’est logiquement dans une des régions les plus touchées par le phénomène qu’elle s’apprête à s’attaquer au problème. Avec 157 profils signalés en Alsace (81 dans le Bas-Rhin, 76 dans le Haut-Rhin), le tribunal de grande instance de Mulhouse doit lancer d’ici fin septembre un programme destiné aux personnes poursuivies pour des infractions en lien avec l’islam radical, rapporte Le Parisien mercredi. Objectif : « désintoxiquer » les islamistes radicaux avant toute tentative d’emprunter les chemins du djihad ou de la dérive violente.
Quand est-il déclenché ?
Ce dispositif a été initié par le parquet général de Colmar et mis en place avec le soutien du ministère de la Justice. Il s’agit d’un outil qui sera mis à la disposition des magistrats du Haut-Rhin à tous les stades de la procédure judiciaire : avant les poursuites judiciaires, comme une alternative si les faits reprochés sont mineurs et que le préjudice est faible ; En amont du procès dans le cadre d’un contrôle judicaire ou d’une liberté surveillée, quand l’infraction va entraîner un jugement ; Enfin, ce stage pourra être prononcé comme peine principale ou complémentaire, voire s’inscrire dans le cadre de la contrainte pénale.
Quelles sont les infractions visées ?
C’est une des subtilités du projet : les faits de terrorisme ne sont pas concernés par ce stage, tout simplement car ces actes sont du seul ressort du parquet de Paris. Le programme pourra en revanche s’appliquer à différents délits et crimes liés à la radicalisation de l’auteur de l’infraction comme l’apologie du terrorisme, la provocation publique à la haine ou diffamation, l’abus de faiblesse, la soustraction de mineur ou la non-représentation d’enfant.
Qui encadre ces stages ?
Les stages seront assurés par une équipe pluridisciplinaire constituée de psychologues, éducateurs spécialisés et travailleurs sociaux. Aucun imam ou référent religieux ne figure en revanche au programme. Pour quelle raison ? « La dimension religieuse a été volontairement écartée : les études sur la question montrent que la dérive radicale est semblable à un processus sectaire. C’est donc cette approche de sortie d’une emprise sectaire qui a été choisie », explique une source judiciaire dans les colonnes du quotidien national.
Comment va-t-on déradicaliser ?
Les stages seront adaptés au cas par cas dans une durée moyenne de deux à trois mois, durant laquelle le « stagiaire » passera par quatre phases :
1. Le diagnostic : il s’agit d’entretiens où la famille de l’individu est invitée à participer. Le but est de cerner la situation sociale, familiale et psychologique de celui-ci.
2. Rétablir le lien social : cette phase est composée là encore d’entretiens mixés avec différentes activités telles que des sessions d’escalade en famille ou des séances de psychoboxe. Le but ? Faire ressortir la personnalité profonde de l’individu. Un « séjour de rupture » peut s’ajouter à cette phase si besoin.
3. Déconstruire le discours radical : lors de cette troisième étape, le stagiaire sera confronté avec des victimes du terrorisme et des jeunes « djihadistes repentis ». Des ateliers vidéo consistant à révéler les méthodes de manipulationemployées par les groupes djihadistes sur les réseaux sociaux sont également au programme.
4. Favoriser la réinsertion : la quatrième et dernière étape consiste à accompagner le « stagiaire » dans sa réinsertion sociale et professionnelle. Une association locale, via un référent dédié, pourra l’aider à trouver un emploi, une formation et un logement selon les besoins.
Comment savoir si c’est efficace ?
« Nous allons effectuer une première évaluation de (…) l’efficacité (du dispositif) assez rapidement, en fin d’année », explique au Parisien le procureur général de Colmar, Jean-François Thony, le haut magistrat à l’origine du dispositif. « Dans un deuxième temps nous procéderons à une évaluation plus poussée, notamment en observant ce que sont devenues les personnes qui ont suivi le programme », poursuit-il avant d’ajouter : « nous ne savons pas à quoi nous attendre, car cette initiative n’a pas d’équivalent dans le monde à ce jour ».
Et si l’initiative s’avère positive, elle devrait être étendue à l’ensemble de la région Alsace, jusqu’au Bas-Rhin. Avant une application nationale ?