« Le Monde » consacre une enquête en deux volets aux coulisses du système judiciaire. Aujourd’hui, cette forme si particulière de procès, où il arrive de juger des personnes quelques heures seulement après la commission d’un délit.
La justice de l’urgence (2/2). « Vous êtes devant nous en comparution immédiate, prévient, pédagogue, le président du tribunal, Philippe Schneider. Vous avez le droit de demander un délai pour préparer votre défense ou vous pouvez être jugé aujourd’hui. Vous comprenez ?
– Non !
– On peut vous juger aujourd’hui, mais si vous souhaitez un délai, on vous l’accordera, puisqu’il est de droit. Dans ce cas, vous reviendrez dans un mois pour être jugé, mais on décidera aujourd’hui des mesures qui seront prises en attendant, ça peut être la détention provisoire ou un contrôle judiciaire. Vous avez compris ?
– Oui.
– Alors, que décidez-vous ?
– Je ne sais pas, c’est vous qui décidez…
– Non, c’est vous.
– C’est quoi la différence ?
– Si on vous juge maintenant, vous serez fixé sur votre sort aujourd’hui.
– Aujourd’hui, alors ! »
Les mains de Guillem W., 18 ans, tripotent nerveusement le T-shirt serré autour de sa taille en guise de ceinture sur un jogging bleu. Après quarante-huit heures de garde à vue, puis trois nuits en détention provisoire en attendant l’audience de ce lundi au tribunal de Strasbourg, il comparaît pour le vol, dans trois voitures, de menus objets : une perceuse, un porte-monnaie, une paire de lunettes de vue, une chevalière…
« Pour les revendre », dit-il. Guillem W. connaît l’univers judiciaire : son casier comporte déjà dix condamnations en tant que mineur.
Forme et fond
Aux comparutions immédiates, où l’on juge des personnes parfois quelques heures seulement après la commission d’un délit, la forme est aussi importante que le fond. Et la contrainte de temps imposée à tous les protagonistes lourde de conséquences. « C’est très compliqué d’organiser leur défense, et si on demande un délai, le plus souvent nos clients sont placés en détention provisoire en attendant », témoigne l’avocat strasbourgeois Grégoire Mehl.