C’est le pari de Weclaim, un site qui mène des actions en justice au nom de particuliers. Des actions financées d’une manière spectaculaire, qui renverse le rapport de force entre consommateurs et PME d’un côté, et grandes entreprises qui se croyaient à l’abri de l’autre.
Les condamnations pour entente font régulièrement la Une de la presse: les cartels du yaourt, du savon, des essuie-glaces. En face, l’Autorité de la concurrence condamne, et réclame des amendes qui peuvent sembler impressionnantes, de dizaines ou de centaines de millions.
Mais en réalité, ces montants sont dérisoires pour les multinationales. Et surtout, personne ne s’occupe des vraies victimes. Rien pour le consommateur, qui a payé plus cher son kilo de lessive ou ses essuie-glaces parce que les grands fabricants s’étaient entendus sur son dos. Rien non plus -et c’est beaucoup plus grave- pour les PME ruinées par un abus de position dominante ou un cartel de géants qui les a exclues des marchés.
25 milliards d’euros à récupérer
Fréderic Pelouze est avocat justement. Il a fondé Weclaim, un site qui fluidifie et automatise les procédures en justice des particuliers. Il s’intéresse de près à ces affaires de cartel depuis des années. Des affaires qui, aux Etats-Unis, constituent un gisement colossal. « Le ‘Private Enforcement’ -le terme technique- y permet aux victimes privées d’obtenir réparation. En Europe, personne ne s’en occupe, or la Commission Européenne estime qu’il y aurait au moins 25 milliards à récupérer », souligne-t-il. Bruxelles serait favorable à ce que ces procédures se développent, parce qu’elles deviendraient « une arme de dissuasion formidable contre les ententes », estime Fréderic Pelouze.
25 milliards d’euros ! Cette somme colossale de dédommagements potentiels est justement le pivot du fonctionnement de Weclaim. Prenons l’exemple de la récente condamnation d’EDF pour abus de position dominante dans le photovoltaïque. Weclaim estime que des centaines de PME en ont fait les frais. Mais comment pourraient-elles intenter une action en justice lorsqu’elles sont ruinées ? La réponse est spectaculaire : en la faisant financer par des investisseurs !
Le litige ? Un actif comme un autre
« Un litige doit être considéré tel un actif comme un autre: une action en bourse, une obligation, une reconnaissance de dettes. Un contentieux a une certaine valeur, une valeur estimable. Des dossiers comparables ont été traités partout dans le monde, il est donc possible d’anticiper, de modéliser le montant des dommages et intérêts. Dès lors, des financiers peuvent être intéressés par ce type d’investissement finalement très peu risqué. Ils payent les frais de l’action judiciaire, en échange d’une part des dommages et intérêts perçus », explique le fondateur de Weclaim.
C’est magique, l’accès à la justice devient totalement gratuit. Tout à coup, le pot de terre devient aussi puissant que le pot de fer. Dans l’esprit des fondateurs, cette conception du litige comme actif financier pourrait même aller encore plus loin. Comme tous les autres produits financiers, ils pourraient devenir des titres échangés, cotés sur une sorte de bourse des litiges ! « N’allons pas trop vite en besogne », tempère Frédéric Pelouze. « Pour l’instant, il s’agit de donner accès à la justice au plus grand nombre. Cela nous suffit comme révolution ».