Les sénateurs se sont emparés du sujet mais le gouvernement veut garder la main.
La loi sur le harcèlement sera sans doute le tout premier texte de la nouvelle législature. Bien que le Sénat se soit emparé du sujet, symboliquement, le gouvernement préférerait prendre la main. Jean-Marc Ayrault lui-même a décidé d’arbitrer la question.
Le harcèlement sexuel a en effet brusquement disparu du Code pénal le 4 mai dernier, à la suite d’une décision du Conseil constitutionnel qui a jugé les contours de la loi trop imprécis – ce que reconnaissent volontiers les juristes, puisque le harcèlement n’était défini que par le fait de harceler… dans le but «d’obtenir des faveurs» de nature sexuelle.
Pas moins de six textes devraient donc bientôt être disponibles… Cinq propositions de loi ont déjà été déposées au bureau du Sénat, par tous les bords politiques.
Chacun des auteurs a tenté de dessiner les contours de ce que devrait être le nouveau délit de harcèlement sexuel. Le curseur est particulièrement délicat à déplacer, tant il touche à la complexité des rapports humains. Le débat juridique constitue tout autant un sujet de société: tandis que les uns insistent sur la nécessité de protéger les victimes, les autres souhaitent éviter l’écueil d’une forme d’aseptisation des relations «à l’américaine». Faut-il, par exemple, bannir les compliments au travail?
Les différentes définitions proposées (trois par le PS, une par l’UMP, une par les communistes) s’inspirent de la directive européenne pour qui le harcèlement sexuel est «la situation dans laquelle un comportement non désiré à connotation sexuelle, s’exprimant physiquement, verbalement, ou non verbalement, survient avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant».
Les sénateurs ont constitué un groupe de travail et ont commencé mardi une série d’auditions qui doit se poursuivre jusqu’à la fin de la semaine prochaine. «Nous faisons le maximum pour être prêts le plus vite possible», explique Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.
L’agression reste un délit
La ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a expliqué mercredi espérer aboutir à un texte définitif «peut-être dans le courant du mois de septembre».
Actuellement, les procédures basées sur la qualification de harcèlement sont anéanties, puisque le délit n’existe plus. Malgré tout, dans de nombreux dossiers, les victimes se plaignent également devant la justice d’autres faits, notamment d’agressions, un délit qui lui n’a pas disparu. «Actuellement, nous sommes privés de la possibilité d’impliquer la responsabilité des supérieurs hiérarchiques, mais les poursuites sont toujours possibles», relativise Emmanuel Pierrat, avocat spécialisé.
Laurence De Charette