Homan Square, la prison secrète de la police de Chicago

Une geôle, en plein cœur de la ville, dans laquelle des citoyens sont retenus en secret et interrogés de façon musclée… Un ex-officier de la police locale devenu interrogateur de choc à Guantánamo… Ce scoop du quotidien britannique The Guardian met en difficulté le maire de Chicago.

« Les disparus », c’est avec ce titre digne d’un polar que le quotidien britannique The Guardian a publié cette semaine une enquête exclusive sur la prison secrète de Chicago baptisée Homan Square.Il s’agit en fait d’un entrepôt banalisé situé dans le quartier de West Side où des citoyens américains – arrêtés, par exemple, lors d’une manifestation – auraient été « retenus et interrogés hors de toute procédure légale ». Le Guardian publie ainsi le témoignage de Brian Jacob Church, un jeune homme arrêté le 16 mai 2012 lors du contre-sommet de l’Otan à Chicago et gardé au secret à Homan Square pendant dix-sept heures, menotté à un banc, interrogé à intervalles réguliers sans jamais avoir accès à un avocat, avant d’être transféré dans un commissariat et dûment enregistré.

Cette geôle secrète, qui abrite des cellules d’interrogatoire et même une cage, n’est pas sans rappeler les fameux Black Sites (prisons secrètes) de la CIA à l’étranger, estime le Guardian. Elle est même un exemple de « la façon dont le comportement de la police de Chicago fait écho aux abus perpétrés au nom de la guerre américaine contre le terrorisme », note le journaliste Spencer Ackerman, auteur de l’enquête.

Mais il y a une différence de taille : si les abus de la guerre contre le terrorisme concernaient des détenus étrangers, notamment dans les Black Sites ainsi que dans le tristement célèbre centre de détention de Guantanamo Bay, la prison d’Homan Square a vu défiler des citoyens américains. Ces derniers, souligne le quotidien britannique, étaient « le plus souvent pauvres, noirs ou basanés ».

« Bad Lieutenant »

Au-delà de la révélation de l’existence de cette prison secrète en plein cœur de la ville, l’enquête du Guardian, qui compte plusieurs volets, s’attache à démonter un véritable système d’abus et de mauvais traitements perpétrés par la police de Chicago.

Dans un autre article, le quotidien de Londres accuse ainsi l’inspecteur Richard Zuley, en service de 1977 à 2007 et connu pour ses méthodes d’interrogatoire particulièrement musclées, de s’être « fait la main » sur des détenus à Chicago avant d’exporter ses mauvais traitements dans la célèbre prison de Guantánamo où il a sévi de 2002 à 2004.

« Passages à tabac, menaces contre les familles de détenus, entraves prolongées, suspension par des menottes », la liste des tortures est longue et a même poussé les autorités judiciaires de l’Illinois à reprendre certaines affaires conduites du temps où Richard Zuley servait dans les rangs de la police de Chicago, note le journal.

Commission d’enquête ?

Un certain nombre de politiciens locaux et nationaux ont réagi à la suite de la publication de ces révélations et demandé des comptes au ministère de la Justice ainsi qu’au maire de Chicago, Rahm Emanuel, actuellement en pleine campagne pour sa réélection. Faute d’avoir remporté la majorité absolue lors du scrutin du 24 février, il fera face à un rival lors du second tour de l’élection municipale prévu le 7 avril.

L’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty international a également adressé un courrier officiel à la mairie rappelant à l’ancien conseiller de Barack Obama que, « en tant que maire de Chicago », il était de sa responsabilité d’assurer que des violations des droits de l’homme ne soient pas commises dans la ville.

Le département de la police de Chicago a, lui, démenti dans un communiqué les allégations de mauvais traitements rappelant qu’il « respectait toutes les lois, les règles et les directives en ce qui concerne les interrogatoires de suspects ou de témoins », rapporte le Chicago Tribune.

BÉRANGÈRE CAGNAT
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