New Delhi, rebaptisée par les médias « la capitale du viol », est sous le feu des projecteurs d’une prise de conscience de la société face aux nombres d’agressions sexuelles qui ne cessent d’augmenter. Depuis plusieurs mois déjà, des initiatives sont prises telles que les « Charlie’s Angels », une brigade composée d’une quarantaine de femmes formées aux arts martiaux déployée dans la ville pour protéger les Indiennes dans les lieux les plus vulnérables.
C’est dans cette dynamique que trois Indiennes ont créé un site internet « Mapping Sexual Violence », qui se traduit en Français par « dresser une carte de la violence sexuelle ». Une plate-forme conçue pour récolter des données sur les voix silencieuses des victimes, à l’aide d’une carte interactive qui permet d’indiquer le lieu géographique où l’agression s’est produite.
Meena Kandasany, Sanhita Arni et Indira Chandrasekhar sont les trois femmes auteures indiennes à l’initiative de la création de ce site. Il est en fait le prolongement d’un numéro spécial sur les violences sexuelles publié par le magazine en ligne Out of Print, un journal littéraire qui se décrit comme une plate-forme pour les écrits de fiction en lien avec le sous-continent indien. « Nous voulons lire vos histoires. Nous voulons que vos histoires soient lues ». C’est ainsi que les victimes sont encouragées sur le site à être entendues. Out of Print se propose de briser le silence « Envoyez-nous vos histoires, nous les enverrons au monde. »
Partager une expérience douloureuse
L’une des trois fondatrices affirme avoir été elle-même victime d’abus sexuel, et l’idée est de construire un véritable réseau d’aide aux victimes pour se solidariser. Pour ces trois femmes, « Mapping sexual Violence » a avant tout un but cathartique pour les victimes, qui peuvent se reconnaître en d’autres personnes qui partagent leur expérience, si douloureuse soit-elle, sur la plate-forme. Une façon de créer des liens au cœur d’une communauté afin de se sentir moins seule.
Des témoignages anonymes
L’interface du site est très simple: la page d’accueil du site est une carte interactive du monde. Avec un simple clic droit de la souris à n’importe quel endroit de la carte, l’utilisateur peut témoigner. S’affichera alors un petit ballon bleu, comme ceux que l’on trouve en rouge sur Google Maps, qui indique qu’un témoignage à été déposé à cette localité. A ce jour, on peut lire 8 témoignages, dont 7 en Inde et en Oman. Le site recommande aux internautes de se protéger à tout moment, et les témoignages y sont bien sur anonymes. Les seules données collectées sont la localisation de l’agression, et le contenu du post. Les utilisateurs peuvent raconter une expérience qui leur est arrivée il y a de nombreuses années, étant donnée que le rôle du site n’est pas de « donner l’alerte ».
Refuser la banalisation du viol en Inde et ailleurs
L’une des fondatrices du site explique que l’objectif est de démontrer les rapports entre « les différents espaces, infrastructures et lieux que nous habitons et les violences sexuelles ». Il sert aussi, selon elle, a démontrer que les violences sexuelles sont trop souvent tristement banalisées à travers le monde, et qu’il est important de donner corps, ou plutôt une histoire aux statistiques, afin de réveiller les consciences, mais pas seulement en Inde. « Mapping sexual Violence » est pour l’instant uniquement en Anglais mais devrait bientôt être accessible en plusieurs langues régionales indiennes, afin de toucher la majorité de la population. La plate-forme est une anthologie qui rassemble les témoignages et rapproche les victimes. Cela constitue un important pas en avant dans la lutte contre les violences sexuelles, et des partenariats avec plusieurs organisations vont également être mis en place afin que le réseau d’aide aux victimes prenne de plus en plus d’ampleur.