CHRISTIANE TAUBIRA peut afficher sa satisfaction. Si les arbitrages rendus par l’exécutif, vendredi 30 août, ont amendé certaines dispositions contenues dans le projet de loi de réforme pénale préparé à la chancellerie, les principes généraux – l’individualisation de la peine et la lutte contre la récidive – constituent toujours le coeur du texte.
Mise en place d’une « contrainte pénale » Le président de la République a annoncé la création d’une « contrainte pénale ». Un nouveau dispositif que la chancellerie avait d’abord baptisé « peine de probation », déjà en place dans plusieurs pays (Royaume-Uni, Suède, Canada), et dont l’idée est de proposer une réponse pénale alternative à l’incarcération.
La contrainte pénale, qui pourra être prononcée pour une durée d’un à cinq ans, concernera tous les délits pour lesquels la peine encourue est inférieure ou égale à cinq ans. Elle viendra s’ajouter aux nombreux dispositifs existants, comme le sursis avec mise à l’épreuve. Les modalités de ce programme individualisé pourront comporter des travaux d’intérêt général, assortis d’une obligation de suivi médical, d’un stage de sensibilisation ou de la réparation du préjudice causé. Sur le papier, la contrainte pénale vise à favoriser la réinsertion et diminuer ainsi le risque de récidive.
Les conseillers d’insertion et de probation seront chargés d’en établir les modalités et d’en assurer le suivi. Les juges d’application des peines pourront décider de modifier l’intensité de la contrainte en fonction de l’évolution de la situation. Ce dispositif n’est pas pour autant totalement déconnecté de la prison puisqu’en cas de non-respect de certaines obligations, le juge d’application des peines pourra décider d’une incarcération dont la durée ne pourra excéder la moitié de la durée de la contrainte pénale.
Se pose dès lors la question des moyens donnés à ce suivi qui se veut très individualisé. La ministre de la justice a annoncé un renforcement des effectifs au sein des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). Trois cents conseillers supplémentaires en 2014 puis 150 en 2015 afin que chacun gère environ 60 dossiers contre plus de 100 aujourd’hui.
Suppression des peines planchers Comme François Hollande en avait pris l’engagement pendant la campagne présidentielle, les peines planchers – une peine minimale imposée par la loi en cas de récidive – seront supprimées. Mme Taubira avait notamment soutenu lors des arbitrages que celles-ci avaient occasionné 4 000 années d’emprisonnement supplémentaires par an quand le taux de récidive de 56 % est resté inchangé depuis 2007. C’est donc la fin annoncée d’une mesure emblématique votée sous la majorité précédente. De même, a été actée la suppression de la révocation automatique du sursis simple.
Eviter les « sorties sèches » Le gouvernement a par ailleurs insisté sur la nécessité de mettre fin aux « sorties sèches », c’est-à-dire sans suivi à l’extérieur, qui concernent 80 % des ex-détenus. Ainsi, la situation des condamnés à des peines inférieures ou égales à cinq ans sera obligatoirement examinée une fois les deux tiers de la peine effectuée. Mais si la chancellerie avait d’abord souhaité que cet examen se fasse « afin que soit prononcée une mesure de sortie encadrée », la dernière version du texte est différente. Elle prévoit la possibilité d’une « libération sous contrainte » (bracelets électroniques, placement extérieur…) mais aussi, au même titre que les autres mesures et non plus « à titre exceptionnel », le maintien en détention. Une plus grande liberté d’appréciation est donc laissée au juge. Un gage donné au ministère de l’intérieur qui avait émis des « réserves fortes » sur ce point.
Un aménagement restreint des peines Revenant sur la loi pénitentiaire de 2009, le premier ministre a par ailleurs annoncé que la possibilité qui était donnée aux juges d’aménager les peines de moins de deux ans sera ramenée à un an pour les primo-délinquants et à six mois pour les récidivistes. « Une tache dans le projet de loi », selon le Syndicat de la magistrature (classé à gauche) pour qui « le gouvernement n’a pas réussi à trancher entre politique sécuritaire et politique d’individualisation de la peine ». Pour sa part, l’Union syndicale des magistrats (majoritaire) s’est dite « globalement satisfait[e]des arbitrages », se félicitant notamment que le caractère automatique, pour les peines planchers comme pour les aménagements de peine, n’ait pas été retenu.
S. Pi.