Les hommes sont 110 000 chaque année à déclarer des violences, physiques ou psychologiques. Un chiffre sans doute éloigné de la réalité.
Pour Geneviève Schmit, coach et thérapeute pour victimes de pervers narcissiques, les débuts d’une relation vouée à la violence commencent souvent par une phase idyllique avant de tourner au cauchemar. « Le pervers narcissique ne vit qu’à travers l’image positive que les autres lui renvoient. Il ne peut supporter qu’on le confronte à ce qu’il est. S’il s’estime démasqué ou qu’il sent que celui dont il se nourrit lui échappe, il se montre sous son vrai jour. » S’ensuit alors une sorte de mise à mort psychologique du partenaire, qui s’exprime sous différentes formes : « J’ai tout eu avec ma femme : harcèlement, fausses accusations, menaces, graffitis injurieux, atteinte à la réputation, colportage de rumeurs… Tout était bon pour me détruire personnellement mais aussi socialement », continue Jacques.
Prédatrices
Les pervers narcissiques ne sont pas les seuls incriminés. Les femmes dominantes ou élevées dans la violence seraient, elles aussi, des prédateurs potentiels. « On parle beaucoup du pervers narcissique, mais il n’y a pas de profil type », tempère Théodore Nassé, psychologue clinicien à Paris. Le problème : ces situations, souvent complexes pour le grand public, sont plus faciles à reconnaître au cinéma, dans les thrillers psychologiques où des femmes perverses sont mises en scène, que dans la réalité, au quotidien. « Les gens ont beaucoup de mal à identifier et à comprendre un fonctionnement pervers. C’est pour cela que nos patients ont tant de mal à s’exprimer : ils ont en permanence peur d’être jugés, incompris, voire pire, de passer eux-mêmes pour des fous ! » poursuit Théodore Nassé. Jacques confirme : « Chaque fois que j’ai essayé de parler de ma situation à des amis, ils avaient du mal à me croire et ils essayaient systématiquement de minimiser le comportement de ma femme. C’est la double peine : non seulement vous êtes victime, mais en plus vous êtes seul. »
« Même si cela paraît bizarre, il est plus difficile de se remettre de la violence psychologique que des coups », insiste Jacques. Théodore Nassé confirme : « Pour la plupart des gens, la vraie violence se limite aux bleus et aux hématomes. Ils ne considèrent comme grave que ce qu’ils peuvent voir et mesurer. » Selon les victimes et les experts, la principale difficulté viendrait du fait que peu de gens saisissent la complexité des maux de l’âme et réalisent à quel point la violence psychologique est destructrice.
Préjugés
Par ailleurs, le poids du tabou et les préjugés sont tenaces. « Un de mes patients est allé à la police pour porter plainte. Quand il s’est présenté devant les policiers et qu’il a expliqué que sa femme le battait, ils lui ont ri au nez… C’est un grand gaillard très costaud, donc ils n’ont pas cru une seconde son histoire. Il est reparti et s’est juré de ne plus jamais en parler », confie Théodore Nassé. Ces préjugés sont destructeurs pour l’individu qui se terre dans le silence. La plupart n’osent pas parler de leur calvaire à leur entourage, même à leurs proches. « Ils ont peur de ne pas être crus, de ne pas être compris. Les comportements pervers sont si difficiles à décrire et leurs auteurs sont tellement manipulateurs qu’ils sont très doués pour retourner l’entourage contre la victime. Certaines femmes n’hésitent pas à s’infliger des sévices pour faire croire qu’il s’agit de leur compagnon alors que c’est lui qui est victime ! » s’insurge le psychologue.
Pour ces hommes, la honte s’ajoute à la souffrance. « Les préjugés envers les hommes sont profondément ancrés dans notre culture, ajoute Geneviève Schmit. Dans l’inconscient populaire, l’homme représente la force. Aussi, on ne peut l’imaginer victime. » Un tabou que l’auteur de ces lignes a pu constater durant son enquête : si peu d’hommes ont accepté de s’exprimer sur ce sujet, aucun homme victime de violences physiques n’a accepté de témoigner. En France, peu de structures sont consacrées au problème pour sensibiliser la population. C’est de Grande-Bretagne que nous vient la dernière campagne-choc sur le sujet. Dans une vidéo simulant une dispute conjugale, l’association britannique MANKIND contre les violences conjugales dénonce la tendance qui considère à trouver risible l’image d’un homme battu ou maltraité par sa femme (voir la vidéo ci-dessous). Car les hommes aussi périssent sous les coups : en 2013, selon les chiffres du ministère des Droits des Femmes, sur les cent quarante-six personnes décédées à la suite de violences conjugales, vingt-cinq étaient des hommes.
Pour les experts, il ne s’agit pas de minimiser les violences faites aux femmes, simplement rappeler que la violence n’est acceptable ni pour les hommes ni pour les femmes, et que se limiter aux chiffres renie ceux qui souffrent. « Parler des violences faites aux hommes, c’est important, car c’est leur rendre justice. C’est leur donner un créneau pour s’exprimer. Encore faut-il qu’ils saisissent cette opportunité… » conclut Geneviève Schmit.
Voici le clip de l’association britannique MANKIND pour sensibiliser à la violence faite aux hommes :
Par MARIE DE DOUHET