Article de Stéphane Durand-Souffland, publié sur lefigaro.fr, le 18/11/2010
Les syndicats de magistrats accueillent la proposition du chef de l’État de façon nuancée.
Le président de la République a réaffirmé, mardi, sa volonté de «rapprocher le peuple des magistrats», émis l’idée d’adjoindre des «citoyens» aux juges qui décident des libérations conditionnelles, et évoqué à nouveau la piste des jurés populaires en correctionnelle. Questions sur des bouleversements majeurs envisagés.
Le chef de l’État trouve-t-il les juges professionnels laxistes ?
Nicolas Sarkozy, qui préside ès qualité le Conseil supérieur de la magistrature, s’en défend. «Je ne me permettrais pas de dire ça, a-t-il déclaré mardi. Je pense que les 8000 magistrats français sont des gens pour l’essentiel très compétents, parfaitement honnêtes mais qu’il faut rapprocher le peuple des magistrats professionnels» .
Actuellement, quand des jurés populaires interviennent-ils ?
Ils ne siègent que dans les cours d’assises, tirés au sort sur les listes électorales au niveau départemental pour juger les criminels présumés. Les jurés sont au nombre de neuf en première instance et de douze en appel. Ils délibèrent avec les trois magistrats professionnels – le président et ses assesseurs. Pour que l’accusé soit déclaré coupable, huit voix sont nécessaires en première instance, dix en appel : si les trois magistrats professionnels sont d’accord pour condamner, il faut que la majorité (5 ou 7) des jurés le soit aussi.
Quelle est la position des magistrats ?
Le président de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), Christophe Régnard, s’interroge sur la «cohérence des annonces» successives, notant que l’ancienne garde des Sceaux,Michèle Alliot-Marie, avait il y a peu suggéré de limiter la présence des jurés d’assises en première instance. Il rappelle également qu’en 2009, le gouvernement avait envisagé de supprimer les assesseurs citoyens des tribunaux pour enfants. De son côté, le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) adopte une position nuancée : il est favorable à l’introduction, en correctionnelle, pour juger les délits, d’«assesseurs citoyens» sélectionnés et formés qui pourraient siéger régulièrement car, explique le secrétaire général Matthieu Bonduelle, «il est sain que les juges ne restent pas entre eux», pour casser une certaine routine judiciaire.
En revanche, le SM est hostile à cette mesure en ce qui concerne l’application des peines, «beaucoup plus technique» . Des présidents de tribunaux interrogés, sous couvert de l’anonymat, par Le Figaro, partagent globalement ce point de vue. L’idée de voir des jurés remplacer un ou plusieurs assesseurs – ainsi libérés pour d’autres tâches – ne les rebute pas : «ce serait un formidable appel d’air en terme de moyens» , explique l’un d’eux. Mais ils s’interrogent sur la compétence des «échevins» pour juger des dossiers souvent complexes en faisant intervenir des notions juridiques subtiles. Pour résumer, les syndicats ne sont pas vent debout mais ils mettent en avant les difficultés pratiques qui, selon eux, rendent la réforme très difficile, les tribunaux correctionnels siégeant en permanence.
Où en est la chancellerie sur ce chantier évoqué depuis septembre ?
Le ministère de la Justice déclare examiner la manière dont l’idée présidentielle pourrait devenir effective dans le cadre plus général de la réforme de la procédure pénale. Il y a des «groupes de travail» et une «concertation», affirme un porte-parole sans pouvoir apporter d’autres précisions.