Justice des mineurs, la réforme sur les rails

Christiane Taubira a annoncé lundi 28 septembre que la réforme de l’ordonnance de 1945 serait présentée en conseil des ministres à la mi-décembre.

Le texte, qui ne comporte pas de dispositions radicalement novatrices, n’en est pas moins jugé hautement sensible par Matignon et vivement critiqué par l’opposition.

Il est des arbitrages plus aisés à remporter que d’autres. Christiane Taubira en sait quelque chose, elle qui aura mis des mois à obtenir la présentation en conseil des ministres de sa réforme de la justice des mineurs.

Depuis près d’un an en effet, Matignon renâclait à le mettre à l’ordre du jour, de peur de voir sa ministre faire à nouveau les frais d’un procès en laxisme. Lasse, l’hôte de la Place Vendôme en venait même à menacer de démissionner. « Si on ne fait pas ça (NDLR : la réforme), c’est un aveu d’impuissance et, moi, je n’assumerai pas », tonnait-elle sur BFM-TV en juin dernier.

Christiane Taubira vient donc d’engranger une première victoire : la présentation du texte en conseil des ministres. Reste à décrocher la seconde : obtenir son examen en séance publique au Parlement. Peut-être au premier semestre 2016…

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Qu’importe, à droite, on se dit déjà en ordre de bataille pour combattre le texte. « Cette réforme est un contresens historique, un signal d’impunité envoyé aux jeunes délinquants, fulmine Georges Fenech (député du Rhône), le secrétaire national à la justice au sein des Républicains. Cette idéologie permissive et cette culture de l’excuse entraîneront automatiquement une inflation de la délinquance des mineurs. »

UN PROJET DES PLUS MODESTES

Fustigé à droite, le projet de loi dont La Croix avait dévoilé les grandes lignes en décembre 2014 est très attendu à gauche. Il est pourtant des plus modestes dans ses ambitions. On est loin des réformes symboliquement très fortes – et hautement clivantes – adoptées sous Nicolas Sarkozy (création des tribunaux correctionnels pour mineurs, adoption des peines planchers à l’égard des 16-18 ans).

Le texte prévoit d’abord d’introduire une « césure » dans le procès pénal du mineur. Il se déroulerait ainsi en deux temps : la culpabilité du jeune serait prononcée lors d’une première audience et ce n’est que lors d’une seconde, six mois à un an plus tard, que sa peine serait fixée.

Objectif : moduler la sanction en fonction du parcours du jeune. Loin d’être révolutionnaire, le dispositif envisagé est en réalité assez proche de ce qui se pratique actuellement. « Il s’écoule déjà une longue période aujourd’hui entre la mise en examen d’un adolescent et son jugement, période durant laquelle on observe l’évolution de l’intéressé », assure Ancelin Nouaille, juge des enfants et spécialiste de cette question à l’Union syndicale des magistrats (USM).

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MESURE SYMBOLE

Autre mesure phare : la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs (TCM). Créés en 2011, ces derniers avaient pour but de solenniser les audiences et d’alourdir les sanctions visant les 16-18 ans multirécidivistes. Ce qui avait suscité l’ire de la gauche et d’une large partie de la magistrature, toutes deux dénonçant la fin du principe de spécificité attaché à la justice des mineurs, sanctuarisée par l’ordonnance de 1945.

En réalité, sur le terrain, les peines prononcées par les TCM ne sont pas plus lourdes que celles des juges des enfants. « C’était une loi d’affichage de la part de la droite », soupire un magistrat. « Mais il est faux, comme le prétend une partie de la gauche, que les TCM condamnent durement les mineurs. » Supprimer ces tribunaux tient donc, pour beaucoup, du symbole.

IL FAUT RESTER « SEREINS »

Dernière innovation de la Chancellerie : l’extension des prérogatives des juges pour enfants aux 18-21 ans, notamment en matière de suivi des mesures éducatives.

La droite y voit le risque d’une plus grande mansuétude des magistrats en direction des mineurs délinquants. Ce que conteste la Place Vendôme. « Le prononcé de mesures éducatives en direction des 18-21 ans n’empêchera pas, en parallèle, le prononcé de sanctions pénales », assure-t-on au ministère.

Mieux : il est d’ores et déjà possible, dans certains cas, de prononcer de telles mesures en direction des adultes de moins de 21 ans. Le projet de loi ne fait, en réalité, que systématiser le dispositif…

« La justice des mineurs est devenue un marqueur politique utilisé par les uns et les autres », regrette le magistrat Ancelin Nouaille. Et de déplorer : « C’est un sujet suffisamment grave pour qu’on reste sereins et qu’on fasse tout pour tendre au consensus. »

« Nous n’arrivons pas à avoir un discours serein sur les mineurs délinquants »

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