Justice du XXIe siècle : les réformes à venir

Christiane Taubira a présenté, la semaine dernière, les grandes lignes d’une réforme de la justice « plus proche, plus efficace, plus protectrice ».

C’est une « communication » et non un projet de loi qui a été soumis en conseil des ministres, mercredi dernier. La Chancellerie y dévoile 15 propositions, issues ou pas de la concertation engagée en 2013 et 2014 dans le cadre de la « Justice du XXIe siècle ». L’Union syndicale de la magistrature (USM) a fait savoir, dans un communiqué du 10 septembre, sa déception concernant un projet, qui selon le syndicat, a abandonné l’idée d’un tribunal de première instance ou la mise en place des greffiers juridictionnels, comme l’avait préconisé le Syndicat de la magistrature (SM). Ce dernier regrette néanmoins que la Chancellerie n’ait pas abordé les questions d’aide juridictionnelle.

1. Un accueil physique unique pour la justice

L’idée est de permettre aux justiciable d’effectuer leurs démarches depuis n’importe quelle juridiction

Mise en place : une première expérimentation aura lieu dans les tribunaux de Bobigny, Brest, Dunkerque, Privas et Saint-Denis de la Réunion « dès l’automne 2014 ».

Position des syndicats : le Syndicat de la magistrature se félicite de l’initiative « même si la pénurie budgétaire est encore invoquée pour ne lancer pour l’heure que des expérimentations ».

2. Saisir la justice par internet

Les parties pourraient recevoir, si elles sont d’accord, les convocations et notifications par mail et SMS, d’abord en matière pénale puis en civil. Un site internet « Portalis » permettra, lui, de suivre l’évolution des procédures, d’effectuer une demande d’aide juridictionnelle et de saisir en ligne toutes les juridictions civiles

Mise en place : un projet de loi « est en cours de discussion » pour les notifications par mail et SMS, le portail internet sera mis en place « dès 2015 » avec des évolutions ensuite.

Position des syndicats : selon l’USM, le logiciel « Portalis » ne sera pas à un stade de développement suffisant « avant 7 à 9 ans, d’après les informations donnés par la Chancellerie elle-même ».

3. Maisons de justice et du droit

Modernisation et développement des missions des maisons de justice et du droit (MJD) et des conseils départementaux d’accès au droit (CDAD) avec un renforcement de la conciliation et de la médiation, notamment. Un greffier devrait être affecté à chaque MJD.

Mise en place : un projet de loi modifiant la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique sera présenté « avant la fin du premier semestre 2015 ».

4. Association justice et élus locaux

Le Conseil national de l’aide juridique proposera des recommandations annuelles « sur les besoins des territoires en matière de justice et de droit » en concertation avec les magistrats et fonctionnaires. Sa composition devrait être revue.

5. Création de conseils de juridiction auprès des cours d’appel et des TGI

Présidés par les chefs de juridiction, ces conseils seront composés de magistrats, fonctionnaires (administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse, notamment), parlementaires, organisations syndicales, représentants locaux de l’État, professions du droit, collectivités locales et associations. Ils seront chargés de réfléchir à des « problématiques transversales » : aide juridictionnelle, accès au droit, conciliation, médiation… En revanche, seront exclus de leurs champs de compétence, toutes les questions relatives à l’activité juridictionnelle et l’organisation de la juridiction.

Mise en place : une expérimentation mais la Chancellerie n’indique pas d’échéance.

Position des syndicats : colère du côté de l’USM, totalement « opposée » à ce projet. « Les décisions de justice ne dépendent pas du bon vouloir d’une association, d’une administration ou d’un élu local ». Pour le SM, en revanche, se félicite de cette décision car la justice « a tout à gagner » d’un tel rapprochement.

6. Simplification de la procédure civile

Abandon des « termes juridiques désuets », définition du cadre de l’action de groupe dans le code de procédure civile, harmonisation des règles de procédure notamment en matière de saisine des juridictions civiles, réforme de la procédure d’appel.

Mise en place : le ministère de la justice précise que ces réformes « seront engagées immédiatement » par la voie réglementaire

7. Développement des modes alternatifs de règlement des litiges

Une mission interministérielle d’évaluation de l’offre de médiation et de conciliation sera « prochainement » installée en vue d’une politique publique nationale « actuellement inexistante » qui, elle-même, sera animée par un conseil national de la conciliation et de la médiation.

Mise en place : des modifications de la procédure civile seront proposées par décret « publié d’ici la fin d’année 2014 ».

Position des syndicats : le SM estime « impossible de développer la médiation sans améliorer le financement des associations, pour certaines à l’agonie, et en diminuer le coût pour l’usager, comme d’améliorer l’accès au droit sans généraliser la présence des greffiers dans les maisons de justice ».

8. Aider le justiciable avant d’engager une action

Le portail Portalis (cf. supra) mettra à disposition, pour certains contentieux civils, des informations sur les décisions « habituellement rendues ». Pension alimentaire, prestation compensatoire, indemnisation du préjudice corporel…

Mise en place : des juridictions pilotes devraient conclure des partenariats avec des universités « afin d’analyser leur jurisprudence ». Le document ne prévoit pas d’échéance.

9. Clarification des missions des magistrats

Les déclarations de PACS, les procurations de vote, les envois en possessions, les successions vacantes et la vérification des comptes de tutelle devront être effectuées par d’autres professions du droit.

10. Réorganisation des parquets

Les procureurs de la République et magistrats du parquet seront assistés par des greffiers. Les parquetiers auront des téléphones et des ordinateurs afin de pouvoir accéder à distance à leur mail professionnel. Les « efforts » pour combler les vacances seront « poursuivis », modélisation de l’organisation des parquets, simplification des procédures d’enquête préliminaire et de flagrance, certaines missions administratives seront confiées à d’autres autorités que les parquets pour les décharger.

Mise en place : concernant l’aide des greffiers, une expérimentation au sein des TGI d’Amiens, Chartres, Nanterre, Rennes, Saint-Malo et Soissons. Un décret « en cours de rédaction » devrait prévoir la présence facultative du ministère public à certaines audiences.

Position des syndicats : des annonces « dérisoires face aux attentes des collègues du parquet », selon l’Union syndicale des magistrats

11. Organisation des juridictions

Cours d’appels et tribunaux devront « définir un projet de juridiction concerté » avec magistrats, fonctionnaires et avocats pour détailler les priorités et les actions à mener pour l’amélioration du service rendu.

Mise en place : le code de l’organisation judiciaire sera modifié « à l’automne » pour renforcer les pouvoirs des assemblées générales de juridictions, des « réponses concrètes » aux questions de souffrance au travail « seront apportées », les plans de soutien aux juridictions seront renouvelés en 2015, une revalorisation des astreintes de nuit « entrera en vigueur début 2015 », le nombre d’assistants de justice sera accru en matière civile.

12. Aide aux victimes

Quelque quatorze nouveaux bureaux d’aide aux victimes vont être ouverts, les conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD) appliqueront localement les orientations du conseil national de l’aide aux victimes, transposition « rapide » de la directive victime du 25 octobre 2012 dont la transposition devra avoir lieu avant le 16 novembre 2015.

13. Réforme des tribunaux

« Recentrer » les TI sur le « contentieux de la vulnérabilité » et, pour ce faire, le contentieux lié au préjudice corporel, aux élections professionnelles et au départage prud’homal seront transférés aux TGI. Le tribunal de police également sera transféré. Les TGI, eux, seront organisés par services : civil, pénal, instruction, application des peines, famille, social, libertés et détention et, enfin, le service du tribunal pour enfants.

Mise en place : projet de loi relatif à l’organisation judiciaire présenté avant la fin du premier semestre 2015.

14. Justice commerciale et prud’homale modernisée

Concernant les conseils de prud’hommes, il faudra « renforcer leur appartenance à l’ordre judiciaire et rationnaliser la procédure prud’homale ».

Mise en place : en matière commerciale, et à la suite de l’ordonnance du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises, un projet de loi de réforme des tribunaux de commerce est attendu (encore et toujours) ; le code civil sera enrichi de jurisprudence relative au droit des obligations.

15. Statut des magistrats

Un projet de loi organique sera déposé au parlement au premier semestre 2015 et la spécialisation des juges des libertés et de la détention sera consacrée. Ils seront désormais nommés par décret du président de la République.

Position des syndicats : l’USM estime « qu’aucun calendrier n’est prévu pour la réforme du statut du parquet, pourtant posée comme un préalable indispensable à toute réforme de la procédure pénale ». Le Syndicat de la magistrature se félicite de la « volonté d’accorder des garanties statutaires à l’un de ses acteurs essentiels, le juge des libertés et de la détention ».

source : dalloz-actualite.fr
Partagez :