Adeline Hazan pointe dans un avis rendu public mardi le risque de cohabitation de détenus aux degrés de radicalisation variés.
La prison de Fresnes l’expérimente depuis octobre. Pourtant, le regroupement des détenus islamistes ne convainc pas la contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Adeline Hazan publie ce mardi un rapport d’enquête fouillé sur la prise en charge de la radicalisation islamiste en milieu carcéral et un avis au Journal officiel .Après les attentats de Paris, dont deux des auteurs, Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly, étaient passés par la prison, Manuel Valls avait annoncé mi-janvier son intention de regrouper tous les islamistes radicaux en détention dans cinq quartiers dédiés afin de favoriser la prise en charge de ces détenus et prévenir tout prosélytisme religieux.
Depuis cette annonce, la contrôleure des prisons a visité quatre établissements pénitentiaires pressentis pour accueillir des unités de regroupement de détenus radicaux. Des entretiens ont aussi été menés avec des chefs d’établissement, gardiens, détenus mais aussi des magistrats, avocats, sociologues ou membres des services de renseignement. En conclusion, Adeline Hazan pointe le caractère potentiellement dangereux de la mesure. «Le regroupement des détenus radicalisés présente des risques qui ne paraissent pas avoir été pris en compte, notamment la cohabitation de personnes détenues présentant des niveaux d’ancrage très disparates dans la processus de radicalisation», conclut-elle.
Un critère discutable
Adeline Hazan pointe plus particulièrement les difficultés d’identification des personnes visées. «La grille d’évaluation de la “dangerosité” n’est plus adaptée à l’évolution du phénomène», critique la contrôleure. Cette dernière souligne ainsi que, depuis 2014, «une consigne de dissimulation semble avoir été donnée pour cesser d’arborer des signes ostensibles de fondamentalisme». Elle juge aussi «discutable» le seul critère d’une condamnation pour des faits terroristes retenu à Fresnes, où 22 détenus ont déjà été isolés. «Il ne prend pas en compte les cas de personnes détenues pour d’autres motifs, susceptibles d’être davantage ancrées dans un processus de délinquance», explique encore Adeline Hazan.
«Ce regroupement sera tout bénéfice pour les recruteurs», s’inquiète l’un des fonctionnaires pénitentiaires interrogés pour qui, «si on veut vraiment les séparer, il faudrait construire un “Guantanamo”. Est-ce cela que l’on souhaite?». Plutôt qu’un regroupement, plusieurs intervenants prônent ainsi une «dispersion», une option déjà retenue en Grande-Bretagne ou en Belgique. À Fresnes, les surveillants ne notent pas d’appaisement particuliers. Autre effet pervers induit par ces regroupements en région parisienne, la coupure des détenus avec leur famille dont tous les experts soulignent l’importance pour «les convaincre de changer de voie».
Adeline Hazan demande enfin «qu’une réflexion soit engagée sur la prise en charge des jeunes de retour des zones de conflit, l’incarcération ne pouvant pas être le mode de traitement indifférencié d’un phénomène qui touche plusieurs centaines de personnes au degré d’engagement disparate».
(Avec agences)