Le député socialiste des Hauts-de-Seine, Sébastien Pietrasanta, vient de rendre l’un des rapports commandés par Manuel Valls après les attentats de janvier. Un rapport intitulé : La déradicalisation, outil de lutte contre le terrorisme et que France Info vous fait découvrir en avant-première.
Dans son rapport de près de 90 pages, Sébastien Pietrasanta formule une trentaine de propositions pour sortir de la radicalisation, « un phénomène sans précédent par son ampleur et la spécificité de son processus », écrit le parlementaire, qui fut aussi rapporteur du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme.
Que représente le phénomène des départs en Syrie et en Irak ? Les données les plus récentes datent du 2 juillet. Selon le rapport, « nous comptons 1.818 Français ou résidents étrangers en France impliqués dans les filières djihadistes en Syrie et en Irak. L’évolution est de + 107% sur un an et +227% depuis le début de l’année 2014. La part de convertis est d’environ 20%, 25% pour les femmes, 89 départements français sont concernés par le phénomène ».
La religion n’est pas au centre des convictions
Sébastien Pietrasanta souligne que « la question religieuse est en réalité peu présente dans la radicalisation. La plupart des radicalisés ont en commun une situation d’échec, de rupture, une quête de sens ou d’identité ». Le député parle de « nouvel engagement politique d’une frange de notre jeunesse. Il se traduit par la participation ou le soutien à ces groupes terroristes. C’est la nouvelle idéologie du XXIe siècle ». Il ajoute qu’en 2015, « l’individu souhaitant rejoindre la Syrie faire le djihad ne peut pas être systématiquement considéré comme une victime d’emprise sectaire « .
Le parlementaire insiste sur le fait qu’il n’y a une multitude de profils des radicalisés, « il ne peut donc y avoir une seule et unique réponse. Le suivi doit être individualisé ». Sébastien Pietrasanta propose de « mettre en place un système de mentor à la danoise pour l’accompagnement des radicalisés ». Ce système commence à être expérimenté dans les Alpes-Maritimes.
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La prison n’est pas la seule réponse
Certains radicalisés doivent être traités en milieu ouvert, d’autres dans un centre de déradicalisation tourné vers la réinsertion, et les plus dangereux en prison. Selon le rapporteur, un traitement exclusivement judiciaire et répressif de ce phénomène posera un problème inévitable dans les années à venir. « Que faire des djihadistes qui sortiront de prison dans quelques années ?« , s’interroge-t-il. En prison, Sébastien Pietrasanta propose donc de créer de nouveaux quartiers dédiés, pour les détenus radicalisés. C’est ce que la Garde des Sceaux a annoncé après les attentats de janvier, se basant sur l’expérience de Fresnes, où sont regroupés depuis octobre 2014, une vingtaine d’islamistes radicaux.
Mais ces quartiers dédiés ne doivent « aucunement correspondre à de simples quartiers de relégation, qui ne feraient qu’aggraver les problèmes à la sortie de prison » prévient le député. « Il faut éviter de mettre des prosélytes avec des détenus influençables ; ne pas exclure d’y mettre des détenus de droits communs radicaux ; proposer un programme de déradicalisation spécifique pour chaque détenu ». Sébastien Pietrasanta propose aussi de mieux former le personnel pénitentiaire et les aumôniers musulmans. Il détaille dans son rapport toutes les expériences étrangères de déradicalisation en Belgique, en Allemagne ou au Canada et l’élu note que dans toutes les expériences intéressantes, il y a peu de recul et qu’il faut rester prudent.
La nécessité d’un contre-discours
Pour le rapporteur de la loi antiterroriste, ce qui paraît indispensable, c’est la création d’une grande fondation pour le contre-discours, pour contrer la déferlante de vidéos de propagande de Daech. « Un contre-discours qui doit être porté par des associations ou des acteurs publics reconnus et sur lesquels la jeunesse peut s’identifier » explique–il, le site Stopdjihadisme du gouvernement semblant trop peu efficace.
Sébastien Pietrasanta propose enfin de mettre en place une « task force », une force de frappe de community managers pour combattre le discours djihadiste sur le web. Il faut aussi s’appuyer sur le témoignage des familles de victimes et des familles de djihadistes pour élaborer un contre-discours. Il s’agit de professionnaliser aussi des repentis crédibles. Tout en restant « prudent et précautionneux, afin d’éviter toute forme de taqîya, la dissimulation », conclue-t-il.