La Norvège expédie des détenus aux Pays-Bas

La Norvège a expédié pour la première fois mardi quelques-uns de ses détenus vers les Pays-Bas dans le cadre d’un accord, rare et controversé, de coopération carcérale entre deux pays.

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Ses prisons étant engorgées, le pays scandinave a convenu de louer aux Pays-Bas – qui disposent au contraire de capacités vacantes – la prison de Norgerhaven (nord-est) pour 25 millions d’euros par an.

«Les premiers prisonniers sont arrivés», a déclaré mardi à l’AFP Karl Hillesland, le nouveau directeur norvégien de l’établissement néerlandais.

Ce premier transfèrement concerne quelque 25 détenus arrivés à temps pour la remise officielle des clés de la prison mercredi entre les ministres de la Justice des deux pays.

En se tournant vers les Pays-Bas, les autorités norvégiennes espèrent résorber la file d’attente d’un système carcéral dans lequel plus de 1.000 condamnés attendent qu’une cellule se libère pour pouvoir payer leur dette à la société.

L’accord bilatéral a été conclu en mars au grand dam des prisonniers néerlandais alors incarcérés dans cet établissement. Ils ont lutté, en vain, pour conserver leurs «cellules de luxe», selon la description qu’en ont faite les médias néerlandais.

Dans l’enceinte de Norgerhaven, les détenus peuvent cultiver des légumes, élever des poulets, cuisiner et, surtout, contempler la campagne alentour depuis leur cellule.

«C’est une prison très douillette, une prison agréable», a déclaré à la chaîne norvégienne NRK Kenneth Vimme, condamné à 17 ans de prison pour meurtre et qui s’est porté volontaire pour l’exil.

Il a toutefois déploré la perte de plusieurs chaînes de télévision norvégiennes dans le bouquet offert aux prisonniers et le fait que certains détenus seront expédiés à Norgerhaven contre leur gré. «Je crains que ceux qui sont envoyés de force sèment la zizanie dans la prison», a-t-il affirmé.

– Deux tentatives de suicide –

Norgerhaven accueillera à terme 242 prisonniers venus de Norvège et tous condamnés à de longues peines. Sur les 112 détenus déjà désignés, seuls 79 se sont portés volontaires. Les autres n’ont pas eu le choix.

L’accord bilatéral soulève ainsi des questions fondamentales: juristes et familles de détenus estiment qu’il est contraire au «principe de proximité», le droit à être incarcéré près de son lieu d’origine.

Deux prisonniers ont commis une tentative de suicide pour échapper à l’exil forcé, selon le syndicat des personnels pénitentiaires (KY).

«Purger sa peine aussi loin de chez soi se fait au détriment des chances de réhabilitation dans la société et des possibilités de visite pour les proches», a estimé Hanne Hamsund, présidente de l’association norvégienne représentant les proches des détenus.

«Avec le déplacement et une nuit d’hôtel, une visite en prison coûte environ 5.000 couronnes (530 euros) par personne», a-t-elle dit, regrettant l’absence d’aide financière publique norvégienne.

Le gouvernement, où siège la droite populiste qui a fait de la sécurité un de ses chevaux de bataille, souligne cependant que le dispositif exclut les prisonniers recevant régulièrement la visite de mineurs et que ceux-ci seront rapatriés en Norvège avant la fin de leur peine.

«Et le principe de proximité est une bonne idée mais, avec les problèmes de capacités qu’on a depuis des années, on a déjà du mal à le respecter», a déclaré à l’AFP Vidar Brein-Karlsen, secrétaire d’État au ministère de la Justice.

«Les Pays-Bas, ce n’est pas forcément plus éloigné que les alternatives qui existent ici en Norvège. On peut être d’Oslo mais devoir purger sa peine à Bergen, à Trondheim ou même à Tromsø», des villes distantes de plusieurs centaines de kilomètres, a-t-il fait valoir.

L’accord doit durer au maximum cinq ans, une période que la Norvège espère mettre à profit pour réhabiliter ses prisons les plus anciennes et construire de nouvelles capacités.

«Les prisonniers sont appelés à reprendre une place dans la société norvégienne», a observé le président du syndicat KY, Knut Are Svenkerud. «C’est un peu bizarre que ce soient les autorités néerlandaises qui les y prépare».

Car si Norgerhaven est déjà sous un régime carcéral norvégien, les gardiens sont bien néerlandais.

Les Pays-Bas prévoient qu’environ 700 de leurs cellules deviendront vacantes au cours des cinq prochaines années. Le pays accueille, depuis 2010, 550 prisonniers belges dans une prison à Tilburg (sud).

 

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