La « perpétuité réelle » pratiquée en France jugée conforme au droit européen par la CEDH

La Cour européenne des droits de l’homme a jugé conforme au droit européen, jeudi 13 novembre, le régime des peines de perpétuité incompressibles pratiqué en France, que contestait devant elle le détenu Pierre Bodein.

« Le droit français offre une possibilité de réexamen de la réclusion à perpétuité, qui est suffisante, au regard de la marge d’appréciation des Etats en la matière », ont estimé les juges de Strasbourg dans leur arrêt.

En 2007, Pierre Bodein, 66 ans, avait été le premier à être condamné à cette peine, instaurée en 1994. Le tueur, surnommé « Pierrot le fou » en raison de son passé psychiatrique, a été reconnu coupable, en 2007, de trois meurtres particulièrement violents commis en 2004, dont celui d’une enfant de 10 ans, ce qui est précisément le genre d’affaires pour lesquelles le code pénal autorise cette lourde condamnation. Mais le multirécidiviste avait fait valoir que l’absence d’espoir de recouvrer un jour la liberté était contraire à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui bannit les traitements inhumains ou dégradants.

LE ROYAUME-UNI CONDAMNÉ

Pierre Bodein n’était pas le premier à s’adresser à la CEDH à ce sujet. En 2013, la cour avait donné gain de cause à des condamnés britanniques qui remettaient en cause les peines incompressibles telles que pratiquées au Royaume-Uni. La CEDH avait alors estimé que ces peines étaient assimilables à un « traitement dégradant », car aucun espoir de sortie ne subsistait.

 Mais le cas de la France est différent, car il existe des « mécanismes juridiques » permettant de remettre en cause une peine incompressible « sous certaines conditions ». La CEDH avait justement laissé une porte ouverte dans son arrêt sur le Royaume-Uni, en ne rejetant pas les peines à perpétuité, à condition de laisser une « possibilité d’élargissement » et une « possibilité de réexamen ».

Après trente ans de réclusion, le détenu peut ainsi solliciter une libération conditionnelle auprès du tribunal d’application des peines, sous réserve d’une expertise psychiatrique réalisée par un collège d’experts. Dans le cas particulier de Pierre Bodein, quand il aura 87 ans, en 2034, soit vingt-six ans après le prononcé de sa condamnation, il aura la possibilité de saisir la justice d’une demande d’aménagement de peine. La CEDH a jugé cette lueur d’espoir suffisante.

Pierre Bodein contestait également l’absence de motivation du verdict de la cour d’assises : mais là aussi, les juges de Strasbourg ne lui ont pas donné raison, estimant qu’il avait disposé « de garanties suffisantes lui permettant de comprendre le verdict de condamnation qui a été prononcé à son encontre ». C’est avec le même argument que Maurice Agnelet avait obtenu une condamnation de la France en 2013 pour procès « inéquitable », lui permettant d’avoir un nouveau procès pour le meurtre de sa maîtresse, Agnès Le Roux.

source : lemonde.fr
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