Le chantier du TGI de Paris au point mort

La construction du nouveau palais de justice dans le quartier des Batignolles à Paris débute très mal. Selon nos informations, Bouygues, qui avait commencé les travaux en juin, les a arrêtés fin juillet. Depuis plus de deux mois, le chantier est donc au point mort. Aujourd’hui, personne ne peut dire quand il pourrait redémarrer.

 

Pour l’instant, l’érection de cette tour de 160 mètres n’est pas remise en question. Mais, à ce stade, il semble improbable qu’elle soit livrée à la date prévue, en novembre 2016. «Pour les bâtiments très élevés, on a beaucoup de mal à rattraper le temps perdu», explique un expert du BTP. Le tribunal de grande instance, qui doit quitter l’île de la Cité pour s’installer dans ce gratte-ciel début 2017, risque donc de déménager bien plus tard que prévu. Ce contretemps tombe mal, car il s’agit d’un projet emblématique: un immeuble conçu par l’architecte star, Renzo Piano, pour accueillir 9000 personnes par jour ; un édifice que le consortium emmené par Bouygues construira puis entretiendra pendant vingt-sept ans pour au moins un milliard d’euros. Tout cela dans le cadre d’un partenariat-public-privé (PPP).

 

À l’origine de ce blocage, il y a un problème d’argent. Pour mener à bien ces travaux, le major du BTP a contracté de gros emprunts. Or, comme souvent, les banques ne veulent pas débloquer les fonds à cause d’un recours contre le contrat de partenariat. Déposé par des avocats en colère réunis dans l’association La Justice dans la cité, ce recours a été débouté en première instance en mai 2013. Ce n’est pas suffisant pour que les banques honorent leurs engagements, même si, de l’avis général, ce procès devrait tourner en faveur de l’État.

 

En fait, ces sommes seront disponibles si la cour d’appel donne raison aux pouvoirs publics qui ont passé cette commande à Bouygues et ses partenaires. Mais cette décision n’est pas attendue avant 2014. Le chantier risque donc d’être bloqué encore de longs mois.

 

Pour éviter cette situation ubuesque et permettre aux banques de débloquer les crédits tout de suite, l’État avait bien accordé sa garantie qu’il paierait au cas improbable où ce contrat de partenariat serait annulé par la justice. «Mais cet élément a aussi été attaqué devant le tribunal parLa Justice dans la cité, explique un connaisseur du dossier. Du coup, les banquiers le jugent sans valeur et ne veulent toujours pas apporter les fonds.»

 

Pour sortir de cette impasse, Bouygues s’est rapproché des pouvoirs publics. «Nous avons eu une première réunion avec la ministre de la Justice pour trouver une solution», expliquait déjà fin août Yves Gabriel, PDG de Bouygues Construction.

 

Le ton est monté

 

Depuis, les contacts se sont multipliés. Principalement entre le groupe de BTP et l’Établissement public du Palais de justice de Paris (EPPJP) chargé de ce projet. Mais sans plus de succès. Le ton est même monté entre les deux entités qui ne sont pas du tout sur la même longueur d’onde. «Bouygues voudrait que l’État redonne sa garantie, souligne un expert. Et l’EPPJP souhaiterait que ce soit Bouygues qui prenne ce risque.»

 

La garde des Sceaux, Christiane Taubira, préfère compter les points de loin. Mais elle n’est certainement pas gênée que ce PPP fonctionne mal. À peine arrivée à la Chancellerie, en mai 2012, elle s’était exprimée contre cette formule qui, selon elle, entraînait une inflation des coûts. Elle avait même chiffré ce projet à plus de 2,5 milliards sur vingt-sept ans.

 

Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, avait sifflé la fin de la récréation en janvier 2013 en confirmant la construction du TGI sous cette forme. Pour ne pas perdre la face, Christiane Taubira se voyait confier la mission de renégocier ce contrat à la baisse. «Elle va y arriver mécaniquement grâce à la baisse des taux», sourit un spécialiste. Pour que cela présente un intérêt, encore faudrait-il que la construction de l’édifice redémarre.

 

source : Lefigaro.fr
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