Malgré une prise en charge par les services spécialisés et le soutien de sa famille, avec qui il a toutefois pris ses distances, Serge Lazarevic, retenu prisonnier pendant trois ans par al-Qaïda, confie qu’il se sentait «mieux au Mali».
Passée l’euphorie des retrouvailles, le retour au réel s’avère particulièrement difficile pour Serge Lazarevic. Otage durant trois ans au Sahel, ce quinquagénaire Franco-Serbe revient sur les conditions de sa captivité, mais surtout, sur les mois qui ont suivi sa libération jusqu’à aujourd’hui. Dans un entretien diffusé lundi sur i-Télé,il raconte se sentir comme dans un «tunnel» dont il ne parvient pas à sortir. «Le premier jour, c’est tapis rouge et le deuxième coup de pied au cul» lâche-t-il, déplorant «une aide qui n’est pas venue».
Après avoir vécu deux semaines d’ «euphorie» juste après sa libération le 9 décembre 2014, Serge Lazarevic enlevé en novembre 2011 au Mali avec Philippe Verdon, retrouvé assassiné d’une balle dans la tête en juillet 2013, confie s’être «écroulé» quelques jours après son arrivée sur le tarmac de Villacoublay, où il était apparu plutôt en bonne forme, tout sourire, au bras de sa fille Diane. Après ces moments de liesse, qui ont duré dix à quinze jours, «j’ai vu que mon chemin de croix ne faisait que commencer» confie ce grand gaillard, ouvrier du BTP qui travaillait au Mali sur un projet de cimenterie lorsqu’il a été enlevé dans un hôtel de Hombori, au nord du pays par al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Durant ses trois ans de captivité, où il a «pas mal bougé, sans savoir trop» où il était, Serge Lazarevic a été torturé par ses geôliers, à coup de de câbles métalliques comme il le racontait quelques jours après sa libération. Il a aussi passé une bonne partie de sa détention à l’isolement «complet». «Le seul moment d’évasion que j’avais était d’aller chercher du bois pour le feu», raconte-t-il. Aujourd’hui, il explique pourtant se sentir plus mal que lorsqu’il était entre les mains de ses ravisseurs. «C’est horrible mais c’est comme ça. J’étais mieux au Mali, car je savais pourquoi j’étais là-bas. J’étais torturé tous les jours. Mais ici ma vie est encore plus détruite qu’avant.» A tel point que Serge Lazarevic a pris ses distances avec sa famille, notamment avec sa fille Diane, pour, dit-il, les préserver. «Eux aussi ils étaient atteints psychologiquement. Pour eux aussi c’était dur. Diane, elle a mis du temps. C’est pour ça que je lui ai dit: “Éloigne-toi un peu.”»
«Généralement un fort sentiment d’abandon»
Cette souffrance, ressentie six mois après sa libération, n’a en fait rien d’étonnant explique au Figaro le docteur Didier Cremniter, référent national de la cellule d’urgence médico-psychologique de la ville de Paris. «Cette phase d’euphorie décrite peut en effet durer plusieurs jours avant que ne se manifeste le traumatisme psychique dont la souffrance peut être très forte, et rivaliser avec ce que l’otage a pu endurer lors de sa captivité.» Cette souffrance peut s’arrêter au bout de quelques mois, ou se prolonger pendant des années, en fonction des individus précise-t-il.
Comme toutes les victimes de prise d’otage, Serge Lazarevic a bénéficié, dès son retour en France, d’un important dispositif d’aides. «Tout est banalisé» insiste auprès du Figaro Carole Damiani, directrice de l’association Paris Aide aux Victimes. Le ministère des Affaires étrangères, qui s’occupe de l’otage durant sa détention, passe ensuite la main au ministère de la Justice. A son arrivée, l’ex-otage passe une série d’examens médicaux. Ensuite, il est orienté vers des associations d’aide aux victimes qui travaillent avec des avocats ou des juristes spécialisés chargés de l’aider notamment pour les procédures d’indemnisation. Parallèlement, il bénéficie d’un suivi médico-psychologique gratuit. La cellule d’urgence médico-psychologique du département où il vit est également activée. «En France, on a parmi les meilleurs dispositifs d’aides fait valoir Carole Damiani. Cet otage en a bénéficié et continue d’être aidé. Mais généralement, les ex-otages ressentent un sentiment très fort d’abandon.»