Publié sur LeMonde .fr, le 29 aout 2009
Le rapport du comité Léger sur la réforme de la justice pénale recommande, comme le souhaitait Nicolas Sarkozy, la suppression du juge d’instruction, sans pour autant donner au parquet son indépendance, révèle le Journal du dimanche. L’hebdomadaire publie dans son édition de samedi les conclusions de ce rapport qui sera remis mardi au président de la République, lequel entend de toute manière légiférer sur ce dossier très sensible pour la magistrature.
Le comité, qui porte le nom de Philippe Léger, un haut magistrat à la retraite, estime que la fonction de juge d’instruction, inamovible et indépendant, doit disparaître. « Il cumule les fonctions d’un juge avec celles d’un enquêteur. En d’autres termes, il n’est pas totalement juge, et pas totalement enquêteur », tranche le rapport, selon le JDD, qui dit avoir eu accès à l’intégralité du texte.
Tous les pouvoirs d’enquête seraient donc confiés aux seuls procureurs, qui resteraient hiérarchiquement soumis au garde des sceaux. L’idée de leur accorder leur indépendance pour compenser la suppression du juge d’instruction est abandonnée. Le comité Léger suggère toutefois que les enquêtes pénales se déroulent à l’avenir sous le contrôle d’un « juge de l’enquête et des libertés » qui serait notamment chargé d’autoriser les mesures « les plus attentatoires aux libertés », comme les perquisitions et les écoutes téléphoniques.
Les magistrats avaient vivement critiqué le projet annoncé en janvier par Nicolas Sarkozy, estimant que les procureurs, dépendant de l’exécutif, enterreraient les affaires sensibles. L’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), le Syndicat de la magistrature (classé à gauche) et l’Association française des magistrats instructeurs (AFMI) avaient condamné ce projet en soulignant qu’il aboutirait à donner tous les pouvoirs d’enquête aux procureurs, nommés sur décret du chef de l’Etat.
Le député socialiste André Vallini, ancien président de la commission Outreau, un scandale judiciaire dans lequel un juge d’instruction avait été accusé de s’acharner contre des personnes détenues préventivement pour des accusations fantaisistes de pédophilie, s’est aussi ému de ces conclusions. Dans le JDD, il juge « regrettable » que le comité Léger n’ait pas suivi la piste de l’instruction menée collégialement, qui avait été prônée à l’unanimité par cette commission.
Toujours dans le JDD, le juge Renaud Van Ruymbeke, qui a instruit de nombreuses affaires sensibles pour le pouvoir, estime quant à lui que cette réforme pourrait signifier la fin de telles enquêtes. « On assiste à une reprise en main par le pouvoir politique de l’action pénale », estime-t-il, parlant de « régression des libertés publiques ».
Michèle Alliot-Marie avait assuré vendredi que la suppression programmée du juge d’instruction s’accompagnerait de garanties supplémentaires pour les victimes et la défense. « Il serait inexact de réduire cette réforme à la suppression du juge d’instruction alors qu’elle garde un équilibre entre les droits de la défense et la nécessité de l’action publique », avait affirmé la ministre de la justice.
Selon le JDD, le comité Léger avance aussi des propositions pour simplifier les procédures, tout en renforçant les droits des victimes et des personnes mises en cause. Des mesures pour limiter les gardes à vue et raccourcir la détention provisoire sont notamment prônées, de même que l’allègement des procès d’assises quand l’accusé reconnaît sa culpabilité.