Article de Marie Piquemal, publié sur Liberation.fr, le 17 novembre 2009
Au menu des députés aujourd’hui: le projet de loi visant à «amoindrir le risque de récidive criminelle». Dans les cartons depuis un an, ce texte a été inscrit à l’ordre du jour après un récent fait divers impliquant un criminel récidiviste en matière sexuelle.
Les débats qui commencent ce mardi à l’Assemblée promettent d’être houleux, certaines dispositions touchant à des sujets sensibles, comme la castration chimique (ou traitement anti-hormonal). Revue des principaux articles adoptés en commission et des amendements qui seront débattus.
Sur la castration chimique
Le contexte: Le sujet est sensible et cristallise les débats. A chaque nouveau fait divers impliquant des récidivistes en matière de crimes ou délits sexuels, la question de la castration revient sur la table. Rappelons-le, si la castration physique (ablation des testicules) est définitive, la castration chimique relève d’un traitement hormonal par médicaments, et donc réversible. En France, l’hypothèse de la castration physique n’est pas à l’ordre du jour. «Il n’est pas question pour moi d’instaurer une peine en la matière. Ce serait contraire à nos principes», déclarait dimanche la ministre Michèle Alliot-Marie, après avoir laissé entendre que la question devait être débattue.
Quel est l’état actuel du droit ?
Si la castration chimique fait déjà partie de l’arsenal de lutte contre la récidive, en l’état actuel du droit, le juge ne peut pas l’ordonner. Il s’agit là d’un traitement médical qui relève de la seule compétence des médecins et donc soumis au secret médical. (Pour en savoir plus, cliquez ici)
Que prévoit le projet de loi ?
Plusieurs députés proposent de sanctionner, par une nouvelle peine de prison, les condamnés qui, à la fin de leur peine, refusent un traitement anti-hormonal ou l’interrompent. La castration chimique deviendrait de fait obligatoire.
Jusqu’ici soumis au secret médical, le médecin traitant serait tenu d’informer le juge d’application des peines «si la personne ne consent pas à suivre ce traitement lors qu’il lui est proposé, ou si, après l’avoir accepté, elle interrompt ce traitement.»
Sur les conditions de placement en rétention de sûreté
De quoi parle-t-on?
La rétention de sûreté, créée en 2008, permet de maintenir en centre fermé des auteurs de crime à la fin de leur peine. Autrement dit, il s’agit de garder enfermées des personnes ayant purgé leur peine mais considérées comme dangereuses et dont le risque de récidive est élevé. Ne sont concernées que les personnes condamnées à au moins 15 ans de réclusion criminelle pour des faits commis après le 25 février 2008. La durée de cette mesure est d’un an, renouvelable indéfiniment si nécessaire.
Que prévoit le projet de loi?
A l’origine, ce texte avait été pensé pour compléter la loi du 25 février 2008 créant notamment la rétention de sûreté et partiellement censurée par le Conseil constitutionnel.
Ce projet de loi vise donc à combler les lacunes, en encadrant mieux l’application de cette mesure de surveillance. D’abord, «l’intéressé doit avoir été en mesure de bénéficier, pendant sa détention, d’une prise en charge médicale, sociale ou psychologique adaptée au trouble de personnalité dont elle souffre.» Ensuite, il faut que le placement en rétention de sûreté «demeure l’ultime recours» pour prévenir le risque de récidive.
Abaisser les seuils de peine pour les mesures de surveillance
De quoi parle-t-on?
L’arsenal juridique contre la récidive est déjà consistant, complété au fil des faits divers. Ainsi, la surveillance judiciaire, créée en 2005, permet d’imposer un suivi et un ensemble d’obligations et interdictions à des anciens détenus en fin de peine. La surveillance de sûreté, instaurée par la loi du 25 février 2008, permet de prolonger la surveillance des personnes qui terminent leur surveillance judiciaire. Ne sont concernées que les personnes «présentant une particulière dangerosité, caractérisée par une probabilité très élevée de récidive».
Que prévoit le projet de loi ?
La surveillance judiciaire pourra être ordonnée pour les personnes condamnées à 7 ans de prison minimum (au lieu de 10 aujourd’hui). Le seuil sera abaissé de 15 à 10 ans pour la surveillance de sûreté. Et la durée du placement sous surveillance de sûreté passe de un à deux ans, renouvelable indéfiniment.
La création d’un répertoire des données à caractère personnel
Il s’agit de créer «un répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires». Le répertoire centralise entre autres «les expertises, examens et évaluations psychiatriques.»
Objectif: faciliter «l’évaluation de la dangerosité des personnes poursuivies ou condamnées.» «Très souvent, ces personnes, particulièrement manipulatrices, ont un comportement exemplaire en prison. Il est donc indispensable qu’une appréciation du caractère dangereux de ces individus puisse avoir lieu en amont de tout aménagement de peine», expliquait un député dans les travaux de commission. Cet amendement, adopté en commission des lois, suscite malgré tout la controverse.
Interdictions de paraître ou de rencontrer les victimes
Il s’agit de renforcer l’efficacité des dispositions relatives aux interdictions de paraître ou de rencontrer les victimes, en permettant à la police d’interpeller un condamné qui viole les interdictions auxquelles il est soumis et de le retenir pendant 24 heures. Aujourd’hui, il faut attendre une décision de justice.
Inscription au casier judiciaire
Les décisions d’irresponsabilité pénale seront inscrites au casier judiciaire lorsqu’une mesure de sûreté aura été prononcée mais aussi lorsqu’une hospitalisation d’office aura été ordonnée.
Parmi les amendements qui seront débattus à l’Assemblée:
Les maires informés de l’installation d’anciens détenus sur leur territoire
Depuis 2007, les maires peuvent, s’ils le demandent, être informés des suites judiciaires données à tous les actes de délinquance qui sont commis sur leur territoire communal.
Cet amendement, déposé par Richard Maillé et Jacques Pélissard, propose que le maire soit également informé, toujours à sa demande, de «l’installation sur le territoire de sa commune de toute personne faisant l’objet d’une surveillance judiciaire ou d’une surveillance de sûreté.»
La suppression des remises de peine automatiques
Plusieurs amendements proposent de supprimer les réductions de peines dites automatiques. «Ces réductions de peine choquent nos concitoyens parce qu’il n’est nullement tenu compte, pour en bénéficier, de la bonne conduite du condamné, ni même de sa dangerosité potentielle», écrit le député Nicolas Dupont-Aignan qui rappelle que la France est l’un des rares pays au monde à cumuler deux systèmes de libération anticipée: les réductions de peine et les aménagements de peine.
A propos du bracelet électronique
Aujourd’hui, le tribunal correctionnel doit motiver expressément sa décision de placement sous surveillance électronique mobile. Un amendement, cosigné par les députés MM. Remiller, Nicolin et Luca, propose de supprimer cet article pour ne pas «réduire la portée de du bracelet électronique considéré par ces députés comme «l’une des plus prometteuses modalités du suivi socio-judiciaire, en terme de réduction de la récidive.»