Article paru sur leMonde.fr le 21 juin 2010
Les Français sont plus nombreux à se méfier des drogues et à se montrer moins conciliants à l’égard de ceux qui en consomment, une « évolution très nette » depuis quelques années, révèle une enquête de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT) publiée lundi 21 juin. Cette « enquête sur les représentations, opinions et perceptions sur les psychotropes (Eropp) », réalisée fin 2008, la troisième après 1999 et 2002, montre que l’appréhension des Français des drogues illicites (cannabis, cocaïne, héroïne) ou licites (alcool et tabac) s’est amplifiée.
« Les Français considèrent l’ensemble des produits comme beaucoup plus dangereux et sont moins conciliants vis-à-vis des consommateurs », a souligné Jean-Michel Costes, directeur de l’OFDT, commentant devant la presse les résultats de cette enquête. Ainsi, plus de neuf Français sur dix (92 %) jugent la consommation d’héroïne « dangereuse dès le stade de l’expérimentation », soit un peu plus qu’en 1999 et 2002 (89 %). Pour la cocaïne, ils sont 89 %, là aussi plus que lors des deux précédentes enquêtes (85 % et 83 %). L’évolution concernant le cannabis est nettement plus marquée : 62 % des Français le considèrent comme dangereux dès le stade de l’expérimentation, contre 53 % en 1999 et 52 % en 2002. Et ils sont également plus nombreux à rejeter l’éventualité d’une « mise en vente libre » du cannabis, 85 %, soit dix points de plus qu’en 2002.
Enfin, ils sont plus sévères vis-à-vis des usagers, notamment les héroïnomanes. « Les Français considèrent les usagers d’héroïne moins comme des victimes de la société, mais plus comme des responsables de leurs actes, donc coupables, dangereux pour leur entourage », a commenté M. Costes. Selon l’enquête, les Français ne sont plus que 24 % à estimer que les héroïnomanes consomment parce qu’ils sont « malades », contre 41 % en 2002 et 51 % en 1999. Le tabac et l’alcool sont également perçus comme plus dangereux. Le pourcentage de personnes estimant qu’ils sont dangereux dès l’expérimentation a doublé pour le tabac, de 21 % en 1999 à 43 % en 2008, et il est passé de 6 à 10 % pour l’alcool.
Pour autant, les résultats de cette enquête ne marquent « pas vraiment » un retournement de tendance, mais révèlent « une évolution très nette » de l’opinion, a résumé le directeur de l’OFDT. « Des évolutions de dix points, c’est quand même très significatif. » Une telle évolution peut s’expliquer par le fait que « les dangers de ces produits sont de mieux en mieux connus », a analysé Etienne Apaire, président de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), laquelle chapeaute l’OFDT.
« Les Français n’ont jamais été aussi bien informés sur les dangers de la drogue et considèrent qu’il faut tout faire pour éviter l’expérimentation et l’ancrage dans la dépendance », a-t-il ajouté. Soulignant que « l’opinion publique façonne les politiques », il a estimé souhaitable de procéder à ce genre d’enquête dans l’ensemble des pays européens afin « d’éviter des distorsions entre les différentes politiques menées en Europe ». L’enquête Eropp a été faite du 27 octobre au 25 décembre 2008 auprès de 2 300 personnes âgées de 15 à 75 ans, sélectionnées aléatoirement et interrogées par téléphone à leur domicile.