Par Laure Daussy publié sur le Figaro.fr – jeudi 09 juillet 09
M et Mme R. demandaient l’annulation de l’adoption de leur petit-fils, dont la mère avait accouché sous X. La Cour de cassation a tranché : ils ne peuvent demander la garde de l’ enfant.
Le combat de M et Mme R s’achève aujourd’hui. Ils n’auront pas la garde de leur petit fils, dont la mère, qui s’est suicidée, avait accouché sous X. La Cour de Cassation vient de rejeter leur pourvoi, confirmant le jugement de la cour d’appel, qui avait considéré que les grands-parents ne pouvaient pas prouver leurs liens de filiation avec l’enfant. En effet, dès lors que la mère a souhaité préserver le secret de son identité lors de l’accouchement, le rapport de parenté ne peut être établi. Seul l’enfant pourra ensuite, s’il le souhaite, faire des recherches sur sa filiation.
Pourtant, pour les grands-parents, il s’agit bien de leur petit-fils. Leur fille, âgée de 22 ans, étudiante à Paris, s’est suicidée en 2006. En fouillant ses affaires, sa mère tombe sur un certificat d’arrêt de travail qui signale sa présence dans une maternité parisienne en décembre 2005. Une grossesse qu’elle découvre puisqu’ils vivaient à l’étranger à l’époque. Elle fait des recherches, on la dirige alors vers le Cnaop, le conseil national d’accès aux origines personnelles. Elle découvre que sa fille a accouché sous X. Ses recherches la mènent à un enfant, pupille de l’Etat, placé en mai 2006 chez un couple, qui a fait une demande d’adoption plénière. Pour elle, c’est sûr, c’est son petit fils.
«La filiation, un acte social»
Les grands parents entament alors une procédure pour demander la garde de l’enfant et l’annulation de l’adoption plénière, puisque celle-ci rompt tout lien avec la famille biologique de l’enfant. Les parents adoptifs tombent des nues. «Ils ont eu très peur qu’on leur prenne leur enfant» raconte leur avocat, maître Le Maignan. «Cela aurait été très violent pour l’enfant de l’enlever à ses parents adoptifs», poursuit-il. «Cet enfant est depuis l’âge de 5 mois dans cette famille, des liens affectifs très forts ont été tissés». Une première décision de justice déclare en 2007 la demande des grands parents irrecevable et prononce l’adoption plénière de l’enfant, ainsi que son changement de patronyme. Une décision confirmée par la cour d’appel de Paris en avril 2008.
Les grands-parents biologiques forment alors un pourvoi en cassation, estimant notamment que la loi du 16 janvier 2009, qui a autorisé les nés sous X à exercer une action de recherche en maternité, pouvait leur être favorable. Mais la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a donc rejeté leur pourvoi. La plus haute juridiction a ainsi suivi l’avis du ministère public qui avait relevé que «l’action en recherche de maternité, avant comme après la loi du 16 janvier 2009, n’appartient qu’à l’enfant et (que) nul autre que lui ne peut l’exercer à sa place. » «En demandant à bénéficier de l’anonymat, la mère a rompu le lien qui devait unir son enfant, non seulement avec elle mais avec toute sa parenté», rappelle l’avocat général.
Il s’agit d’un «arrêt de principe extrêmement important», car il confirme que si la filiation naît d’un «lien biologique», elle est avant tout «un acte social», souligne Me Emmanuel Piwnica, autre avocat des parents adoptifs. L’adoption plénière de l’enfant est maintenant définitive. Officiellement, les grands parents ne peuvent pas avoir de droit de visite. «Mais dans la pratique, rien ne s’oppose à ce que, si les parents adoptifs sont d’accord, des liens se tissent avec les grands parents», fait valoir leur avocat, Me Dominique Brouchot.