Article de Alain Salles, publié sur LeMonde.fr , le 14 novembre 2009
Après une première victoire, contre l’Etat, les avocats multiplient les recours contre l’administration pénitentiaire. L’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai (Nord), qui a condamné, jeudi 12 novembre, l’Etat pour les conditions de détention « n’assurant pas le respect de la dignité inhérente à la personne humaine », les y encourage, puisque c’est la première condamnation de l’Etat à ce niveau de juridiction.
L’avocat Etienne Noël, qui a gagné cette procédure contre la maison d’arrêt de Rouen, envisage maintenant de nouveaux recours portant sur plus de soixante détenus ou anciens prisonniers.
C’est lui qui a ouvert une brèche en mars 2008, en faisant condamner une première fois l’Etat. Un détenu a reçu 3 000 euros pour préjudice moral, après quatre ans passés dans des cellules surpeuplées.
En mai 2009, Me Noël a élargi la procédure engageant cette fois une action en référé, qui a abouti à la condamnation de l’Etat à payer 3 000 euros à trois détenus ayant passé environ deux ans dans des cellules « ne respectant pas la dignité humaine ». C’est cette décision qui a été confirmée à Douai. Les travaux effectués à Rouen en 2008 n’ont pas « modifié les caractéristiques de la cellule », à savoir : des toilettes « pas cloisonnées, hormis des portes battantes et un muret bas insuffisant à protéger l’intimité des détenus, ni équipées d’un système d’aération spécifique ».
La procédure fait tâche d’huile. A Nantes, Benoît Rousseau a fait condamner l’Etat en juillet à payer 6 000 euros à un détenu ayant passé trois ans en détention et 5 000 euros à deux autres qui ont passé entre un et deux ans à la maison d’arrêt de Nantes. Le tribunal administratif de Nantes a estimé que ces détenus ont été « soumis à un traitement inhumain et dégradant ». Le ministère de la justice a là aussi fait appel et Me Rousseau a de son côté lancé de nouvelles procédures concernant une vingtaine de détenus.
Un kit pour les démarches
Le syndicat des avocats de France, engagé à gauche, a diffusé à ses adhérents un kit pour faciliter leurs démarches. L’action de Me Noël a été relayée par la Conférence des bâtonniers qui regroupe les barreaux de province. Ils ont mis à disposition des avocats des formulaires-type. « Il y a un déficit de saisines des juridictions administratives, car les avocats pénalistes se concentrent sur leur matière. Le kit que nous présentons leur permet de se familiariser avec ces procédures », explique Christine Visier-Philippe, vice-présidente de la Conférence des bâtonniers.
La méthode est toujours la même : réaliser des actions en référé permettant la désignation d’experts qui vont constater les conditions de détention. Le rapport d’expertise, généralement accablant, est ensuite la base du recours devant le tribunal administratif. Plusieurs recours ont été engagés à Grenoble, Caen, Clermont-Ferrand, Nanterre, Nouméa, Nanterre…