Des députés PS et UMP ont fait tomber un amendement de l’exécutif, soutenu par les frondeurs sur le renseignement pénitentiaire.
Ce mardi soir, les députés débattaient du périmètre de la «communauté du renseignement». Vient un amendement du gouvernement déposé par Christiane Taubira. La garde des Sceaux veut supprimer une disposition du projet de loi prévoyant que la Justice figure parmi les ministères susceptibles de commander la mise en œuvre de techniques de renseignement. Or la ministre, elle, était très réticente à ce que soient intégrés à la communauté du renseignement les agents du renseignement pénitentiaire. Une telle transformation de leurs missions avait été introduite dans la loi, en commission, par un amendement de l’écologiste Christophe Cavard, minoritaire dans sa famille politique.
Dans l’hémicycle, ce mardi soir, les ministres de la Justice et de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, défendent donc l’idée qu’on ne peut demander à l’administration pénitentiaire «de gérer au quotidien» des détenus tout en mettant «en œuvre des techniques secrètes pour les surveiller». Pour Christiane Taubira, qui martèle que le renseignement pénitentiaire n’a «jamais été aussi renforcé, aussi diversifié dans ses compétences», l’article «va au-delà des métiers actuellement exercés aussi bien par les officiers des services pénitentiaires que par les surveillants». Les députés EE-LV approuvent. «Pour une fois nous allons avoir beaucoup de plaisir à soutenir le gouvernement», savoure Noël Mamère. «Il faut bien discerner quel est le métier de chacun», complète le socialiste Philippe Nauche, rapporteur pour la commission de la Défense, tandis que Bernard Cazeneuve apporte un soutien appuyé à sa collègue, Christiane Taubira, rappelant qu’il s’agit bien d’«un amendement du gouvernement».
«CAZENEUVE ÉTAIT CHIFFON»
La droite, elle, tient, en revanche, à ce que les services de justice puissent demander ce recueil de renseignement. Et minimise : «Il ne s’agit pas de demander aux gardiens de prison de faire l’espion», avance Pierre Lellouche (UMP). Divine surprise pour les députés UMP, jamais mécontents de mettre en difficulté la garde des Sceaux, les voilà rejoints par… des députés PS, et pas de ceux qui tiennent habituellement tête au gouvernement. Faire ce distingo entre agents du renseignement pénitentiaire et communauté des services, ce serait «donner un signe très fort à ceux qui en prison sont en première ligne de la radicalisation», met carrément en garde le député PS Patrick Mennucci. Même le socialiste Jean-Jacques Urvoas, pourtant rapporteur du projet de loi, s’oppose à l’amendement défendu par les deux ministres. «Il faut organiser une surveillance particulière sur ces éléments de dangerosité, voire même d’instabilité du monde carcéral», soutient-il. Urvoas rappelle que lors de la discussion en commission des lois – qu’il préside -, l’amendement de Christophe Cavard avait été voté par tous les députés (sauf la MRC Marie-Françoise Bechtel et l’EE-LV Sergio Coronado, porte-parole du groupe).
Les craintes de Christiane Taubira n’ont pas été entendues : «C’est potentiellement l’ensemble des personnels pénitentiaires qui peut être considéré comme pouvant effectuer directement des techniques de recueil d’information», souligne-t-elle. L’amendement est rejeté par 38 pour, 68 contre… dont 18 députés PS.«Cazeneuve était chiffon», glisse un dirigeant socialiste. Trente députés PS, dont les «frondeurs» Aurélie Filippetti, Pouria Amirshahi, Pascal Cherki, Christian Paul ont, eux, voté l’amendement du gouvernement, ainsi que les six écologistes présents en séance (dont Cécile Duflot). Le monde à l’envers.
«Débat écœurant #PJLRenseignement le «groupe socialiste» (en tout cas ses représentants) met en minorité la garde des Sceaux avec la droite», a tweeté Aurélie Filippetti, parmi les socialistes les plus remontés contre le texte. Contactée par Libération, Cécile Duflot (EE-LV) estime que «ce n’est pas le rôle de l’administration pénitentiaire d’être un service de renseignement». Et dénonce «une alliance regrettable du PS et de la droite».