LE MONDE | • Mis à jour le | Par Elise Vincent
Centres spécialisés, accueil des mineurs, renseignement pénitentiaire : le chef de l’Etat a dévoilé, mardi, les grandes lignes d’un plan de prévention.
Un nouveau « plan » de prévention de la radicalisation doit voir le jour d’ici à la fin de l’année, a annoncé le président de la République Emmanuel Macron, mardi 5 septembre, lors d’une réunion avec l’ensemble des préfets à l’Elysée. Il devra être arrêté à l’occasion d’un « comité interministériel » dont le principe avait déjà été acté fin juillet après la fermeture définitive du centre de « déradicalisation » de Pontourny (Indre-et-Loire). Un plan dont le chef de l’Etat a néanmoins pris l’initiative de dévoiler les grandes lignes, mardi.
Celui-ci sera « inspiré de plans d’actions établis par les préfets qui dans les départements sont confrontés à des processus de radicalisation qui gangrènent certains territoires », a expliqué M. Macron. « Je souhaite que, pour chacun des territoires identifiés comme sensibles, vous puissiez conduire ce travail très fin et très précis avec un plan spécifique », a-t-il ajouté. Une démarche qui s’inscrit dans un plan plus large de lutte contre le terrorisme et de renforcement notamment des effectifs du renseignement, au programme de la feuille de route du ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, rendue publique mercredi 6 septembre.
L’une des principales annonces du chef de l’Etat est l’expérimentation d’un centre pour « personnes radicalisées sous main de justice ». Une idée dans les tuyaux depuis plusieurs mois, fruit des leçons de l’échec de Pontourny. Celui-ci avait été prévu pour des personnes « volontaires » et « sans condamnations pour faits de terrorisme ». Autant dire une gageure. Le futur centre viserait donc la prise en charge d’un public intermédiaire : des mis en examen ou des condamnés, mais non incarcérés faute de charges suffisantes ou bénéficiant d’un sursis avec mise à l’épreuve.
Une expérimentation similaire est déjà menée, depuis début 2017, en Ile-de-France, sous tutelle du ministère de la justice. Appelée « projet Rive », elle a concerné jusqu’à présent une quinzaine de personnes et a été très peu médiatisée afin d’éviter l’écueil de Pontourny. S’agira-t-il d’une transposition de ce projet ? L’Elysée a donné assez peu de précisions à ce stade. Si les résultats sont probants, cela concrétiserait en tout cas une promesse de campagne de M. Macron : multiplier sur le territoire « les petites structures » destinées aux personnes « radicalisées ». Chose qu’espérait déjà, fin 2016, l’ancien ministre de la justice, Jean-Jacques Urvoas, avec le projet Rive.
Accompagnement psychologique
Cette révision de la stratégie de prévention de la radicalisation vient prolonger la politique engagée ces dernières années. Deux plans de lutte contre le terrorisme avec chacun des volets prévention ont été déclinés depuis 2014. Le premier avait acté la création d’un numéro vert pour les familles ayant un proche radicalisé, mis en place leur accompagnement par le biais d’associations – dont la pertinence a depuis été remise en cause – et lancé tout le suivi des individus repérés sous l’égide des préfectures. Le second, lancé en mai 2016, avait renforcé ce maillage territorial et vu se développer la formation des professions exposées (travailleurs sociaux, enseignants, etc.).
En ce sens, M. Macron a annoncé vouloir travailler avec les agences régionales de santé (ARS) – qui disposent déjà de « référents » radicalisation dans toute la France – afin d’améliorer les possibilités d’accompagnement psychologique. En août, le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, avait déjà annoncé vouloir « mobiliser l’ensemble des hôpitaux psychiatriques [et] des psychiatres libéraux ». Sa déclaration avait toutefois suscité une levée de boucliers de certaines figures du milieu médical, secteur autant divisé que méfiant vis-à-vis de sa contribution à la gestion du phénomène terroriste. Des négociations sont toutefois engagées depuis un an avec les professionnels les plus ouverts.
Une nouvelle stratégie pour les prisons
A l’inverse, M. Macron s’est positionné en rupture avec le dispositif à peine lancé concernant les mineurs rentrant de la zone irako-syrienne. Il a notamment déclaré vouloir revenir sur le placement de ces enfants auprès de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Ils « ne peuvent pas continuer à relever de la prise en charge de droit commun dans le cadre de l’ASE », a-t-il souligné. Un dispositif pourtant mis sur pied en mars, par voie de circulaire, au terme de longues négociations, le tout chapeauté par un comité de suivi installé, en avril, place Vendôme.
Reste le domaine carcéral. Le président a annoncé qu’il avait chargé le directeur de l’administration pénitentiaire de lui présenter « dans les prochaines semaines une nouvelle stratégie de prise en compte des personnes radicalisées en prison » avec notamment « un renforcement du renseignement pénitentiaire ». Actuellement, environ 500 détenus (dont la majorité n’a pas encore été jugée) sont incarcérés dans le cadre de procédures pour associations de malfaiteurs terroristes. Depuis la fin des « unités dédiées » fin 2016, ces détenus sont évalués dans des quartiers spécifiques pendant quatre mois puis, selon leur profil, placés en régime ordinaire, à l’isolement, ou regroupés dans un quartier pour détenus violent (dit « QDV »).
Il n’existe cependant qu’un seul QDV en France. Situé à la maison d’arrêt de Lille-Sequedin, il ne compte que 28 places, toutes occupées par des détenus « terros ». L’administration pénitentiaire doit aussi gérer une importante population carcérale qui n’est pas sous le coup de procédures pour terrorisme mais est susceptible d’être radicalisée. L’un des gros enjeux, enfin, est le suivi des individus qui purgent leur peine en milieu ouvert, comme c’était le cas de Karim Cheurfi, le tueur d’un policier sur les Champs-Elysées, le 20 avril. Avant son passage à l’acte, il était en sursis mise à l’épreuve.