Les Baumettes ont accueilli ce jeudi leur premier speed dating. Pendant une matinée, une cinquantaine de détenus, tous en fin de peine, ont rencontré une vingtaine de responsables d’entreprises de la région qui leur ont présenté leurs métiers et les perspectives d’emploi pour mieux préparer leurs sorties. Les rencontres, qui se sont déroulées à huis clos, étaient organisées par le CREPI Méditerranée (Clubs régionaux d’entreprises partenaires de l’insertion) et le SPIP de Marseille (service pénitentiaire d’insertion et de probation).
Vincent Paulez dirige l’entreprise de nettoyage Net Extrême Propreté, située à Aubagne. Pour être embauché chez lui, pas besoin de diplôme ni de formation particulière. Et avoir fait un séjour en prison ne le « bloque pas » non-plus. Pour autant, le patron de PME reste prudent. « Je demande parfois le casier judiciaire, reconnaît-il. Je ne mettrai pas un ancien détenu dans une société pour nettoyer les bureaux, par exemple. Parce qu’on lui confie les clés… Ou sur le port autonome. Parce que ce n’est pas possible. Par contre, je peux le mettre sur un chantier sans problème ».
« Draconien mais nécessaire »
Comme tous les autres chefs d’entreprises présents aux Baumettes, Vincent Paulez assure ne pas avoir de « réticence » à embaucher un ancien détenu. En revanche, comme les autres, il insiste sur le comportement du candidat, son « savoir-être ». « Est-ce qu’on va pouvoir compter sur lui ? Est-ce qu’il va respecter les horaires ? Ce sont des questions qu’on se pose tous forcément », confirme Frédéric Schumacher, de l’association d’insertion Acta Vista spécialisée dans les chantiers de restauration des monuments historiques.
« Le savoir-être, c’est la présentation, la ponctualité, intervient Cécile Beretta, responsable emploi et formation à Eiffage Travaux Publics. C’est aussi savoir accepter les remarques ou les ordres de ses supérieurs, et savoir travailler en équipe ». « Ce n’est pas compliqué mais parfois, il faut leur apprendre, ou leur réapprendre », reprend Frédéric Schumacher. Comment ? « En imposant un cadre. Chez nous, les chantiers ouvrent à 7h et ferment à 7h10. S’il arrive après, c’est trop tard. C’est draconien mais c’est nécessaire ».
« Moi, je m’en fous de leur passé »
« Ceux que nous avons vus ce matin ont tous quelque chose entre leurs mains, poursuit-il. Ils ont une formation, un métier. Ce ne sont pas des paumés ». Les responsables d’entreprise ont rencontré en effet Thomas, 23 ans, cariste et livreur ; Isham, 33 ans, peintre et maçon ; Nicolas, 20 ans, chauffeur-livreur ; Robert, 49 ans, chef de chantier ; Scott, 26 ans, chaudronnier-soudeur ou encore Ahmed, 32 ans, soudeur dans le BTP. « Ceux qui étaient là ont le regard déjà tourné vers l’extérieur. Ils pensent à l’avenir et ne veulent plus revenir ici, croit savoir Vincent Paulez. Moi, je m’en fous de leur passé. Par contre, je leur demande bien : qu’est-ce que pouvez-faire pour moi ? »
En 2012, environ 5.900 détenus sur 18.900 personnes suivies par des conseillers Pôle Emploi Justice en France, ont obtenu une solution d’insertion professionnelle dès leur sortie, selon le ministère de la Justice. Parmi elles, un peu plus de 2000 ont trouvé un emploi.