La chancellerie a demandé à revoir le projet qui prévoyait d’empêcher l’accès à Internet dans les salles d’audience du futur établissement des Batignolles.
Depuis une petite semaine, la polémique va bon train : qui peut bien être à l’origine de cette idée de génie ? Pierre-Antoine Souchard soupire :
«Le projet tel qu’il est conçu actuellement est une succession d’aberrations. Que des architectes ne soient pas spécialistes du rôle de la presse dans les procès, pourquoi pas. Mais on peut s’interroger sur le rôle des magistrats qui ont participé à l’élaboration du cahier des charges [établi sous la droite]…»
En effet, le conseil d’administration de l’EPPJP, présidé par Jean-Claude Marin, procureur général à la Cour de cassation, est composé de représentants de la magistrature, du bâtonnat, ainsi que de la maire de Paris, Anne Hidalgo, et du préfet de police, Bernard Boucault. Jusqu’ici, l’EPPJP a toujours invoqué «des raisons de sécurité» pour justifier les bizarreries de son joyau. Sollicitées par Libération, ses équipes de projet n’ont pas donné suite, laissant planer le mystère sur les prises de décision.
«QUE DES SOLUTIONS TECHNIQUES SOIENT TROUVÉES AFIN DE SUPPRIMER LE BROUILLAGE»
Mutique elle aussi jusque-là, la chancellerie a enfin réagi. L’entourage de Christiane Taubira indique à Libération que «des consignes ont été données pour que des solutions techniques soient trouvées afin de supprimer le brouillage prévu dans le projet de 2012». «En l’état, le projet donne une image de la justice contraire à celle que s’en fait la garde des Sceaux, à savoir accessible et ouverte au public», précise le ministère. En coulisse, d’aucuns reprochent tout de même à Christiane Taubira de ne pas être intervenue suffisamment tôt, et de se contenter de rejeter la faute sur la précédente mandature. Toujours est-il que l’EPJPP doit transmettre rapidement à la chancellerie une copie corrigée. Une nouvelle réunion avec l’association de la presse judiciaire est prévue lundi 18 mai.
Outre l’exclusion de la presse, l’absence d’Internet pourrait également pénaliser les avocats. «Le palais de justice le plus beau du monde ? Et bien, faisons-le ! s’insurge, depuis Tokyo, Pierre-Olivier Sur, le bâtonnier de Paris. Mais, pour cela, mieux vaudrait ne pas commencer par nuire à notre métier. L’absence d’Internet est injustifiable. Les avocats profitent de chaque temps mort pour bosser leurs dossiers sur tablettes. En sus, je doute de la nécessité de ce déménagement aux Batignolles. L’actuel palais [dans le Ier arrondissement de Paris, ndlr] n’a rien d’obsolète. Avec la dématérialisation des procédures, bon nombre d’avocats ne se rendent plus au palais que pour plaider.»