ON PARLE DE NOUS : Petites misères et gros traumatismes des victimes du tribunal de Créteil

Créteil, le 16 décembre. En 2014, plus de 2 500 personnes sont passées par le bureau d’aide aux victimes, situé au tribunal. « J’ai déposé plainte, que va-t-il se passer ? » est la question la plus fréquemment posée. (LP/E.M.)

Qui a subi un mal, un dommage. Dans le Val-de-Marne, ils étaient 62 000 à incarner cette définition du mot « victime » l’an dernier. Parmi eux, plus de 2 500 personnes sont passées par le bureau d’aide aux victimes, le BAV, situé dans l’enceinte du tribunal de grande instance de Créteil, pour un conseil, une écoute, un formulaire à remplir. Alors que le dispositif va élargir ses compétences à l’horizon 2016, nous y avons passé une après-midi, à la rencontre de ces histoires particulières qui animent les tribunaux.

13 h 15. « Elle m’aide souvent. » Cette petite retraitée d’Ivry a des problèmes pour marcher. Mais comme elle peine aussi à comprendre les documents, elle se rend au BAV pour se faire décrypter le jargon des assurances qui lui écrivent régulièrement depuis son agression. « La juriste m’aide beaucoup », vante-t-elle, toujours traumatisée : « On sort de chez nous, on ne sait pas si on va revenir en entier. C’est la justice de la vie. »

13 h 37. « Le temps, la trahison, ça n’est pas réparable. » Cette fois, un proche a arnaqué une quinquagénaire, lui prenant des chèques contre un logement qu’il n’a jamais donné. La victime veut calculer ses dommages et intérêts en vue du procès. « Un avocat peut s’en charger, explique la juriste, ou vous pouvez le faire en fonction du préjudice. » « Le matériel s’élève à 1 800€. Le préjudice moral, c’est plus difficile à compter. J’avais confiance en cette personne », s’épanche la victime à qui l’on répond « le temps, la trahison, ça n’est pas réparable. On peut juste demander des sommes d’argent. »

14 heures. « On ne peut pas parler des attentats à chaud. » On connaît leur nom, leur visage, moins leur entourage. Le BAV accompagne 30 victimes ou proches des attentats, envoyés ici parce qu’ils habitent le département. Un vieil homme patiente justement en salle d’attente. « Mais on ne peut pas parler des attentats à chaud, explique Claire Commenchal, chef du service. Les équipes sont très éprouvées. »

14 h 40. « C’est pour une urgence. » Il déboule, compagne au bras, dans le bureau. « J’ai été victime d’une usurpation d’identité et je suis suivi chez vous. J’ai eu un contrôle de police et ils me demandent les justificatifs », explique cet habitant de Champigny, paniqué par « l’urgence ». « J’ai fait une nuit blanche tellement j’ai cherché mon dossier. » Il repart avec les attestations prouvant que le BAV l’aide à retrouver son identité perdue… depuis 14 ans.

15 h 10. « On ne peut pas nous laisser comme ça. » Celui-là veut manifester devant Christiane Taubira, se dit volontaire pour faire accélérer le cours de la justice. « Si c’est un manque de personnel, appelez-moi, je vous fais le travail ! On ne peut nous laisser comme ça. » « Il vient souvent mais sans question. Il a seulement besoin de parler, de répéter son histoire », explicite Elodie, élève avocate et stagiaire au BAV.

16 h 45. « J’ai été tellement secouée. » Victime d’un vol avec violence, cette dame, trop « secouée », a refusé que l’on assiste au rendez-vous. Concetta, juriste au sourire réconfortant, l’accompagne : « Ça ne veut pas dire l’assister mais l’épauler pour qu’elle se remette et voie son préjudice réparé. »

Clés 62 000 victimes recensées en 2014 dans la juridiction de Créteil dont 14 000 ont été en contact avec un des acteurs du dispositif d’aide aux victimes (bureau d’aide aux victimes, unité médicojudiciaire, permanence d’avocat, association spécialisée).

2 628 victimes suiviespar le bureau d’aide aux victimes, géré par l’Apcars (association de politique criminelle appliquée et de réinsertion sociale). Près de 50% d’entre elles avaient été victimes de violences volontaires. Viennent ensuite les agressions sexuelles, les atteintes aux biens, les menaces et injures, les accidents de la route…

491 demi-journées par mois de permanence en 2014 sur l’ensemble du département et des structures.

Quatre juristes et demi travaillent au BAV. La question la plus fréquemment posée : j’ai obtenu un jugement et la personne ne me verse rien, comment faire ?

 

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