Nicolas Sarkozy s’est inquiété de la baisse du nombre de détenus en France. Le contre-exemple des Etats-Unis, où le nombre de prisonniers a été multiplié par cinq, devrait le rassurer.
Pendant qu’ils sont en prison, les délinquants ne sont évidemment pas en mesure de commettre des crimes. Mais que se passe-t-il quand ils en sortent ? Pour pouvoir examiner rigoureusement l’effet de la durée de la peine sur la destinée des prisonniers après leur sortie, il faut examiner des situations où la durée de la peine varie par chance. Ainsi, si un accusé a la malchance (de son point de vue) de tomber sur un juge plus sévère, il va passer plus de temps en prison que s’il tombe sur un juge plus clément.
En utilisant cette variation dans la sévérité des juges, Mueller-Smith (2015) montre que, pour les petits criminels, passer plus de temps en prison augmente la probabilité de récidive à la sortie. Avec une peine plus longue, le criminel commet moins de crimes pendant qu’il est en prison, mais il commet beaucoup plus de crimes quand il en sort. Passer plus de temps en prison augmente la récidive parce qu’il est plus difficile de retrouver un emploi. De plus, la prison met les criminels en contact avec d’autres criminels qui leur donnent des idées pour commettre des crimes, et peuvent même ensuite servir de complices.
Il est particulièrement tragique que l’incarcération des délinquants mineurs mène à une augmentation de la criminalité à l’âge adulte. Cet effet néfaste a été démontré par Aizer et Doyle (2015) en comparant les délinquants mineurs assignés à des juges sévères qui les envoient en prison, et les délinquants assignés à des juges plus cléments. Les jeunes qui ont eu la malchance de tomber sur un juge sévère et d’aller en prison ont moins de chances de retourner à l’école et plus de chances de continuer dans la criminalité à l’âge adulte.
Cela veut-il dire qu’il ne faut pas punir ? Absolument pas. Les résultats que je viens de décrire s’appliquent à ceux qui n’ont pas été dissuadés de commettre des crimes. Or, il faut considérer à la fois l’effet dissuasif de la prison et son effet potentiellement très négatif pour ceux qui ne sont pas dissuadés et commettent quand même des crimes. En prenant en compte ces deux aspects, on peut conclure qu’augmenter la sévérité des peines n’est pas une politique efficace pour réduire la criminalité. En effet, l’effet dissuasif de la sévérité des peines est modeste, et le coût de longues peines de prison est élevé à la fois en termes de crimes à la sortie de prison, et en dollars (il faut payer pour les places de prison).
Une politique beaucoup plus prometteuse est la prévention, notamment via le déploiement efficace des forces de police. Un exemple de mesure particulièrement efficace est la concentration du déploiement policier dans les points chauds («hot spots»), comme les coins de rue où, à certaines heures de la journée, la plupart des crimes ont tendance à se produire. Cette méthode a été testée par des expériences grandeur nature et la réduction des crimes commis est très substantielle par rapport au coût. L’expérience américaine montre ainsi les limites de l’emprisonnement comme instrument de lutte contre la criminalité. Contrairement à ce que semble suggérer Nicolas Sarkozy, mettre plus de gens en prison n’est pas forcément la meilleure stratégie pour lutter contre l’insécurité.