Le projet de décret visant à autoriser les détenus à disposer d’un téléphone portable est vivement critiqué par les gardiens de prison.
Des téléphones mobiles en prison… L’idée a été abandonnée en catastrophe jeudi mais pourrait revenir dans les mois qui viennent. Elle a suscité un tel tollé chez les gardiens de prison que la Chancellerie n’a pu faire autrement que d’exiger de la Direction de l’administration pénitentiaire qu’elle retire le projet de décret. Ce dernier devait être présenté mardi prochain au comité technique de l’Administration pénitentiaire. Il prévoyait d’autoriser l’utilisation des téléphones portables aux personnes placées dans les centres de semi-liberté et de peines aménagées ou les quartiers de semi-liberté et de peines aménagées des maisons d’arrêt.
Cette mesure, encouragée par les contrôleurs des lieux de privations de liberté successifs, était sur le métier de l’Administration pénitentiaire depuis trois ans.
Une annonce qui fait désordre
Mais le rythme de l’administration n’est pas celui des événements et de la politique. Alors que le premier ministre s’applique à mettre en place un dispositif de lutte contre le terrorisme pour rassurer les Français et que la Chancellerie a endossé le rôle du bon élève du gouvernement en promettant la création d’unités de renseignement pénitentiaire et des programmes de lutte contre la radicalisation, l’annonce fait désordre. «Il faut davantage de concertation et de pédagogie sur ce que nous voulons faire. Le ministère de la Justice ne cesse de renforcer la sécurité en prison. En 2015, ce seront 84 millions qui y seront consacrés», tempère-t-on Place Vendôme. «Je ne suis pas certain que la garde des Sceaux était au courant de cette mesure», souligne Jean-François Forget, le secrétaire général de l’Ufap, le principal syndicat de gardiens de prison encore furieux de l’épisode et toujours inquiet de voir le dispositif revenir par la fenêtre. «Ce serait une catastrophe, car la majorité des places de semi-liberté et de peines aménagées sont dans les quartiers de maison d’arrêt. Autoriser les téléphones mobiles, ce sera le feu», affirme-t-il.
Chez FO-Direction pénitentiaire, où l’on n’est pas opposé au principe «puisque les détenus qui sont en semi-liberté sont censés être ceux posant le moins de problème», on avoue que si la mesure était élargie «aux quartiers inclus dans les maisons d’arrêt, ce serait une catastrophe. On ne tiendrait plus personne.» De plus, affirme Jean-François Forget, «il n’est pas certain que ce nouveau droit ne serait pas utilisé comme une rupture d’égalité de détenus vis-à-vis d’autres. Nous avons des avocats qui nous font savoir que la Cour européenne des droits de l’homme ne manquerait pas à terme de nous demander l’élargissement à l’ensemble des établissements pénitentiaires.»
Pour le Syndicat national des directeurs pénitentiaires ce serait de toute façon une brèche menant à une généralisation des téléphones mobiles à tous les détenus. Et Jean-Michel Dejenne, son secrétaire général, de soulever la question: «Quel intérêt de laisser des téléphones portables la nuit à des détenus qui sont dehors toute la journée et chez eux le week-end?» Et de rappeler le fait que si l’encellulement individuel était assuré, il serait plus simple d’équiper toutes les cellules de téléphones, qui permettraient aux détenus de converser avec leur famille dans un minimum d’intimité tout en contrôlant les communications. Même son de cloche chez les gardiens de prison qui seraient favorables à des systèmes de cabine téléphonique. Enfin FO-Pénitentiaire propose que les communications des prisons soient réunies en une seule «box» permettant des écoutes quand nécessaire. Autant de solutions qui n’intéressent pas une Administration pénitentiaire obsédée par les réductions de coût.