« Dangereuses, irresponsables… » Les préconisations de la « Conférence de Consensus » de Christiane Taubira pour une politique pénale moins centrée sur la prison ont provoqué jeudi un tollé à droite et chez les policiers, alors que ses partisans attendent du gouvernement « le courage » de les mener à bien.
« Ce message de laxisme envoyé une fois de plus par la garde des Sceaux est totalement inacceptable vis-à-vis des victimes, des Français et des forces de l’ordre », a réagi le député Eric Ciotti, secrétaire national de l’UMP à la sécurité, en dénonçant « l’irresponsabilité de la politique » de Christiane Taubira.
Dans la même ligne, l’association « Institut pour la Justice » a déploré que « le gouvernement persiste et signe dans une voie dangereuse pour la sécurité des Français », en occultant les « vertus, les fonctions neutralisante, dissuasive et réparatrice » de la prison.
En vue d’une réforme de politique pénale censée rompre avec le « tout carcéral » et mieux prévenir la récidive, la ministre de la Justice avait mis en place à l’automne une « conférence de consensus », qui a remis ses conclusions en douze points mercredi soir au Premier ministre.
Ses propositions portent en particulier sur les peines purgées hors de prison (avec l’instauration de « peines de probation »), la fin des sanctions automatiques et la systématisation des libérations conditionnelles.
Un projet de loi devrait être bouclé d’ici l’été.
« On est dans le déni du réel, dans le dogmatisme », a déploré Patrice Ribeiro, le secrétaire général de Synergie-Officiers (2e syndicat d’officiers de police), en appelant le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, à « s’opposer avec force à ces préconisations ». Selon lui, « si ces mesures sont appliquées, il se passera la même chose qu’avec les lois Guigou en 2001, et la délinquance explosera ».
Pour Jean-Claude Delage, secrétaire général d’Alliance (2e syndicat des gardiens de la paix), « s’arc-bouter sur l’individualisation de la peine, ce n’est plus adapté à la société et à la violence actuelle ». Les peines plancher, selon lui, « sont absolument nécessaires ».
A l’opposé, des associations et syndicats de gauche, à l’instar du Syndicat de la magistrature (SM), ont salué les conclusions des experts de la conférence de consensus, en rupture avec « dix années de politique sécuritaire ». « Il appartient désormais au gouvernement et au parlement de ne pas reculer face aux gardiens du temple sécuritaire », a espéré le syndicat. Le SM a même souhaité que les réformes aillent plus loin, notamment dans la « dépénalisation » de certaines infractions, écartée par la conférence de consensus.
L’Observatoire international des prison (OIP) rappelle lui aussi qu’il attendait de longue date « le revirement culturel ». La « conférence de consensus » vient « utilement renforcer des mesures déjà annoncées par le gouvernement », estime l’association de soutien aux détenus, tout en regrettant une certaine « timidité ». « Il nous reste à espérer que ces propositions ne resteront pas lettre morte », a également souhaité François Korber, ancien détenu responsable de l’association Robin des Lois.
« Il est vrai que la prison est un pourrissoir dans un nombre important de cas. On y entre délinquant et on en sort dans les réseaux de banditisme », a déclaré sur iTélé François Bayrou, président du Modem. Il faut donc selon lui « chercher des solutions différentes, à condition que ce ne soit pas ressenti comme un signe de laxisme ».
Le principal syndicat de magistrats, l’USM, s’était quant à lui déclaré dès mercredi soir « consterné » par les conclusions de la conférence de consensus. « Rien de neuf », des « lieux communs », a tranché l’USM.