Par Hélène Bekmezian. Publié le 20 aout 2009 sur LeMonde . fr
« C’est largement insuffisant. » Sans hésiter, Céline Verzeletti, surveillante à la maison d’arrêt de Versailles et secrétaire générale du syndicat CGT-Pénitentiaire, dénonce les mesures de prévention annoncées, mardi 18 août, par la garde des sceaux, Michèle Alliot-Marie, pour lutter contre les suicides en prison.
Elle souligne que le problème principal du système carcéral – la surpopulation – est contourné : « On ne peut pas se contenter de ces mesures sans s’attaquer au reste, qui est incontournable ». Parmi les préconisations de la ministre figure l’instauration de formations pour les personnels pénitentiaires. « Nous en voulons, des formations, nous voulons travailler mieux et plus efficacement », assure Mme Verzeletti. « Mais quand vous avez trop de détenus à charge, vous n’avez pas le temps d’observer les détenus, de discuter avec eux et de déceler leur état psychologique. Nous devons déjà accompagner les mouvements des détenus, leur apporter les repas et on arrive déjà à peine à le faire », regrette-t-elle. « On fait rentrer la charge de travail au chausse-pied », renchérit Jérôme Capdevielle, secrétaire général adjoint de FO-Pénitentiaire.
« On voudrait nous faire croire que les suicides en prison ne peuvent se régler qu’avec des pyjamas en papier, de la formation et des recrutements de détenus pour aider les détenus vulnérables », poursuit Jérôme Capdevielle. « Mais le milieu carcéral est un milieu suicidogène et si un détenu veut se suicider, quelles que soient les mesures mises en place, il le fera. De plus, on donne les chiffres des suicides mais l’on ne parle jamais de toutes les tentatives. »
Une autre préconisation consiste à charger des détenus volontaires d’accompagner les prisonniers en situation de détresse psychologique. « C’est une mesure déconcertante, estime M. Capdevielle. Ils n’ont pas à se substituer aux surveillants. » Une mesure qui doit également être mise en lien avec le manque de personnel dans les prisons. En janvier 2008, un détenu du centre pénitentiaire de Liancourt (Oise) a dû, à la demande insistante des infirmières, délivrer quotidiennement des médicaments à son voisin de cellule, qui avait été placé puis maintenu en détention alors qu’il souffrait de graves troubles psychiatriques. Une pratique qui avait été dénoncée par la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
Un directeur d’une maison d’arrêt du nord de la France, qui n’a pas souhaité être nommé, estime par ailleurs que « cela pose aussi le problème de la culpabilisation du détenu en question s’il échoue dans sa mission d’accompagnement ».
« On demande au détenu, et on nous demande, de contraindre les prisonniers à vivre au lieu d’améliorer leurs conditions de vie pour qu’ils n’aient pas envie de mourir. Ces détenus doivent être correctement encadrés par des professionnels », poursuit Céline Verzeletti. « En fait, on nous demande de nous débrouiller avec ce que l’on a déjà. »
« Nous avons surtout besoin de moins de détenus, insiste-t-elle. Nous voulons que l’incarcération ne soit pas systématique, qu’il y ait davantage de peines alternatives. » Quant aux « kit de protection » destinés aux détenus susceptibles de se suicider, « c’est un plus », reconnaît-elle, « mais cela ne suffit pas ». Moins critique, le directeur de la maison d’arrêt du nord de la France estime quant à lui que « cela ne peut pas faire de mal et que le peu qui peut être fait est toujours bon à prendre ».