Les divergences entre la garde des sceaux, Christiane Taubira, et le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, apparues au grand jour après la publication dans Le Monde du 14 août de la note que ce dernier avait adressée au président de la République pour éreinter le projet de réforme pénale élaboré par la chancellerie, témoignent de deux approches différentes en matière de prévention et de sécurité. Rien, là, de surprenant, surtout compte tenu des deux fortes personnalités occupant ces fonctions ministérielles.
Le problème est que le débat interne au gouvernement, faute d’avoir été tranché, a déjà entraîné le report du projet de loi, dont la présentation était initialement prévue avant l’été. Par le passé, y compris sous le précédent quinquennat, il ne manque pas d’exemples de projets de réforme qui, de report en report, ont fini par s’enliser. Et, en la matière, le non-choix est, en soi, un choix.
Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a assuré que le projet de loi sur la réforme pénale serait présenté « fin septembre » en conseil des ministres. Mais, déjà, se font entendre des voix suggérant, en ce qui concerne l’examen du texte au Parlement, qu’il est urgent d’attendre.
« NE FAISONS PAS DE FÉTICHISME SUR LE CALENDRIER »
Dans un entretien au Figaro, vendredi 16 août, le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, Jean-Jacques Urvoas, estimait que, « avant les municipales ou après, la date n’est pas essentielle « . « Ne faisons pas de fétichisme sur le calendrier de la réforme », insistait le député (PS) du Finistère. Comme si la majorité devait craindre les effets auprès de son électorat des projets de réforme qu’elle porte. Comme si, au fond, elle ne les assumait pas.
Son homologue du Sénat, Jean-Pierre Sueur, lui répond. Pour le sénateur (PS) du Loiret, « le Parlement devra être saisi du texte sans tarder ». « Je ne parviens pas à penser que l’ambiguïté ou, de fait, le refus de trancher seraient bénéfiques, y compris par rapport aux futurs enjeux électoraux », plaide-t-il, soulignant que « c’est l’ambiguïté et le non-choix qui ouvrent la porte à toutes les caricatures ».
Au-delà du débat récurrent – et légitime – sur les questions de sécurité et de liberté, il va falloir aux responsables de l’exécutif affirmer leur volonté de tenir, ou non, les engagements de campagne de François Hollande. Le 28 mars, sur France 2, le président de la République réaffirmait : « Les peines planchers seront supprimées, mais quand on aura trouvé un dispositif qui permet d’éviter la récidive. »
C’est précisément l’objet de cette réforme pénale. Si elle devait ne pas aboutir, le chef de l’Etat non seulement ferait aveu de faiblesse mais y perdrait une part de crédibilité à l’égard de ses engagements de campagne. En ce sens, l’avenir de la réforme pénale constitue un enjeu politique majeur, déterminant pour les rapports futurs dans la majorité et, plus largement, au sein de la gauche. Le bilan de ce gouvernement ne se jugera pas seulement sur les résultats économiques.
Patrick Roger
Journaliste au Monde