Christiane Taubira a présenté vendredi en Conseil des ministres deux projets de loi qui entendent rendre la justice plus accessible et conforter l’indépendance de la magistrature, mais les syndicats de magistrats jugent les textes « loin d’être à la hauteur des ambitions affichées ».
Face au tollé suscité par sa proposition de déclasser le délit de conduite sans permis en simple contravention, la garde des Sceaux a eu bien du mal à défendre devant la presse le reste des mesures de ses deux projets de loi estampillé « justice du XXIe siècle (J21) ».
« J’ai aussi présenté un projet de loi organique qui modifie le statut des magistrats, un amendement du gouvernement qui permettra au projet de loi constitutionnel sur l’indépendance de la magistrature de reprendre son parcours parlementaire et puis il y a un projet de loi de la justice ordinaire », a expliqué la ministre dans la cour de l’Elysée.
De quoi s’agit-il? De la concrétisation au plan législatif d’un vaste projet de réforme de la justice civile visant à rapprocher l’institution judiciaire du citoyen en facilitant ses démarches.
Initié en février 2013, ce projet a fait l’objet d’une vaste consultation, d’un rapport formulant 268 recommandations, de deux jours de débat avec plusieurs centaines d’acteurs du monde judiciaire à l’Unesco, de 2.000 contributions de juridictions, le tout résumé en trois objectifs: « une justice plus proche, plus efficace et plus protectrice ».
Parmi les mesures retenues figurent la possibilité pour chaque justiciable de trouver des informations et d’engager une procédure, quelle que soit la nature du contentieux, dans le site judiciaire le plus proche de chez lui grâce à la mise en place de guichets uniques. Ce système doit être prolongé en décembre prochain avec une plateforme informatique qui permettra de suivre son dossier en ligne.
Le projet entend également favoriser les règlements amiables en rendant obligatoire la tentative de conciliation des petits litiges du quotidien avant la saisie d’un juge. Il créé enfin un cadre légal commun aux actions de groupe judiciaire et administrative et une action de groupe spécifique pour les discriminations. Enfin, les déclarations de PACS seront traitées désormais en mairie (et non plus au tribunal d’instance).
– « Entretien déontologique » –
Le second projet de loi sur le statut des magistrats entend lui renforcer leur indépendance et prévenir les conflits d’intérêt. Les procureurs généraux ne seront plus nommés en conseil des ministres, les magistrats passeront un « entretien déontologique » et les plus hauts d’entre eux devront déclarer leur patrimoine.
« Je me réjouis que les magistrats ne restent pas en marge du mouvement déontologique », a dit à l’AFP Jean-Louis Nadal, ancien procureur général près la Cour de cassation qui préside la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
« Il est désormais extrêmement important de transformer l’essai. Il faut que le dispositif soit cohérent avec celui déjà en vigueur pour les responsables publics », a-t-il ajouté. Contrairement aux hommes politiques, en l’état du projet les magistrats ne risquent en effet aucune sanction en cas de fausse déclaration de patrimoine.
« Ce projet J21 relève davantage du slogan que d’une révolution judiciaire », a réagi le syndicat de la magistrature (SM, gauche), pour qui « le gouvernement a eu peur de son ombre et étouffé toute velléité de rupture avec la répression à tous crins ».
« L’épineuse question des déjudiciarisations, dont celle du divorce par consentement mutuel, est laissée de côté, la nécessité de transformer les tribunaux de commerce en une juridiction indépendante (…) a été balayée devant la résistance des juge consulaires », déplore également le syndicat.
Même tonalité à l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) pour qui « le projet de loi présente des dispositions éparses, certaines intéressantes, mais qui sont loin d’être à la hauteur des ambitions affichées ».
« Parler de justice plus proche nous paraît prématuré alors que les expérimentations des services d’accueil unique aux justiciables sont toujours en cours et que les logiciels nécessaires ne sont même pas conçus », souligne l’USM.
31/07/2015 18:18:17 – PARIS (AFP) – Par Pierre ROCHICCIOLI – © 2015 AFP