Vendredi 23 octobre 2015, la garde des Sceaux a organisé une journée consacrée à la réinsertion dans la société des personnes détenues via la culture.
A cette occasion, six directions interrégionales des services pénitentiaires (DISP) ont présenté les actions culturelles menées au sein des établissements de leur région. Des grands témoins ont fait part de leur histoire, de leurs rencontres et des œuvres qu’ils accomplissent avec les détenus. Une journée également marquée par la signature d’une convention avec la Fondation Agir Contre l’Exclusion (FACE) afin de valoriser la culture comme levier pour la réinsertion sociale et professionnelle.
La réinsertion des détenus s’opère dès leur arrivée en centre pénitentiaire et tout au long de leur détention, afin permettre une sortie vers la liberté en adéquation avec la société. Pour cela, les Directions Interrégionales des Services Pénitentiaires (DISP) et les Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (SPIP) régionaux agissent sur le terrain pour les détenus, par la mise en œuvre de projets.
Les DISP de Bordeaux, Saint-Denis de la Réunion, Lyon, Toulouse, Lille et Marseille ont donc présenté à la garde des Sceaux leurs projets menés dans les établissements pénitentiaires de leur région. Des projets « grands et riches pour les détenus, pour leurs familles, pour les personnels encadrant les projets, pour la société » confirme la directrice de la Direction de l’Administration Pénitentiaire, Isabelle Gorce. Lectures étrangères, écritures, arts plastiques, danses, photos, vidéos, musiques… autant de projets que les coordinateurs adaptent aux profils variés des détenus selon l’âge moyen, la durée moyenne de détention, ou selon qu’il s’agisse de femmes ou d’hommes.
Les intervenants ont rappelé que l’insertion était, avant tout, rendue possible par la maitrise de la langue française. Grâce aux bibliothèques des établissements pénitentiaires, aux lectures, à la valorisation de l’expression orale et écrite, les détenus débutent leur réinsertion sociale au sein même de leur centre de détention. Les expositions, les rencontres avec des artistes, les concerts, notamment, apportés et installés dans les centres de détention permettent le développement de l’intérêt pour la société et la volonté d’une communication sociale.
Christiane Taubira a chaleureusement remercié les représentants des DISP et des SPIP et tous ceux qui mettent en place des projets dans les centres pénitentiaires : « ce que vous faites est précieux et inestimable ; vous aidez des personnes à grandir, à avancer ». Ces services sont forts d’une expérience collective et pérenne, fruit d’une collaboration entre les ministères de la Culture, de l’Education Nationale et de la Justice. La volonté est commune ; il s’agit d’offrir aux détenus d’autres perspectives pour leur retour et leur installation dans la société. La garde des Sceaux félicite « la convergence des efforts pour apporter d’autres univers à l’intérieur des établissements pénitentiaires donne le goût aux détenus de découvrir, d’apprendre et de continuer ainsi à l’extérieur ».
Les grands témoins ont avancé le caractère indispensable de la culture et de l’art pour que les personnes détenues évoluent, s’intègrent et prennent une place, un rôle dans la société.
Nicole Da Costa, conseillère spéciale auprès de la ministre de la Culture et de la Communication, rappelle que « le partenariat entre les ministères de la Culture et de la Justice, qui existe depuis 30 ans, donne accès aux œuvres de l’esprit pour les personnes détenues ». Et Laurence Drake, déléguée générale du fond de dotations InPACT, de citer le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture ».
« L’art sauve des vies »lance Olivier Py, directeur du Festival d’Avignon ; tous le confirment. Le caricaturiste, Plantu, image son action, et celle de toutes les personnes présentes, par la création de « ponts, là où certains essaient d’imposer des ruptures ». Tout comme le musicien Chris Combettes, l’humoriste, Samia Orosemane, qui se rend elle aussi dans les prisons, est « heureuse de donner du temps à ces personnes qui en ont besoin » et dit se « sentir utile avec ce qu’[elle sait]faire ». Le dessinateur (prix d’Angoulême) et ancien détenu, Berthet One confirme que « oui, l’art a sauvé [sa]vie ». Et, avant de clôturer ces rencontres sur une douce note musicale, Marina Russo raconte avec beaucoup d’émotion comment, elle aussi, se sent investie d’un rôle à jouer auprès de détenus.
Une convention signée avec la fondation FACE
Christiane Taubira et Gérard Mestrallet, président de la Fondation Agir Contre l’Exclusion (FACE) et président-directeur général d’Engie, ont signé, ce même jour, une convention de partenariat favorisant l’accès des personnes détenues à la culture pour faciliter leur insertion. A travers son réseau de 5250 sociétés engagées, FACE s’apprête à lancer une fondation interentreprises « Culture et insertion, au-delà de la détention », consacrée à l’insertion sociale et professionnelle des personnes placées sous-main de justice. Cette convention, inédite, place la culture en tant que levier pour la réinsertion sociale et professionnelle.
La ministre a aussi indiqué que si de nombreuses personnes « agissent auprès des détenus, beaucoup accompagnent et aident les victimes », rappelant que des expérimentations sont menées pour la prise en charge individualisée des victimes et la justice restaurative*. Pour finir ces rencontres, la garde des Sceaux a insisté sur l’importance de l’insertion sociale. « Les personnes détenues doivent pouvoir se projeter dans la vie, après leur peine ».
*La justice restaurative installe un dialogue entre condamnés et victimes d’actes similaires. Elle permet aux premiers d’éviter la récidive, d’être confrontés à la réalité de leurs actes et aux secondes de reconstruire.