RIVE, le projet de déradicalisation secret du gouvernement

Depuis plus d’un an, les services du ministère de la justice mènent dans la plus grande discrétion le projet RIVE (Recherches et Intervention sur les Violences Extrémistes). Un programme obligatoire suivi par 14 personnes. Un projet ambitieux dans lequel le gouvernement place beaucoup d’espoirs.

 

Il était secret depuis un an. Le programme RIVE vient d’être dévoilé. Un programme de Recherches et d’Intervention sur les Violences Extrémistes (RIVE), unique en France et en Europe et mené dans la plus grande discrétion par l’administration pénitentiaire. Son but : désengager les personnes radicalisées de la violence extrémiste et les réinsérer dans la société.

RIVE intervient en complément et en partenariat avec les Services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). En tout 14 personnes – toutes majeures et toutes issues d’Ile-de-France – font partie du programme obligatoire (les personnes sont contraintes et forcées par un juge, cela fait partie par exemple de leur contrôle judiciaire). Car parmi ces personnes, certaines sont allés en Syrie, d’autres sont dans le viseur de la justice pour apologie du terrorisme ou consultation de sites djihadistes. Mais aucune ne se croise dans les locaux situés au troisième étage d’un immeuble de la région (qui doit rester secret pour des raisons de sécurité).

Visite de la garde des sceaux

Présente sur place ce jeudi, la ministre de la justice, Nicole Belloubet, venue pour rencontrer l’équipe responsable. Au micro de notre journaliste Corinne Audouin, elle explique :

Je crois que c’est la volonté et la dignité de la république de chercher à remettre dans une vie citoyenne l’ensemble des personnes qui composent notre société

« Il faut agir, c’est indispensable, rappelle la ministre de la Justice.Ce n’est pas la seule expérience, il y en a d’autres. Nous ne prenons pas en charge uniquement 14 personnes. Mais nous souhaitons à partir de ce qui se fait ici, modéliser peut-être cette prise en charge et voir de quelle manière nous pouvons la dupliquer. »

Autour de la ministre, la directrice du programme, mais aussi un psychiatre, une psychologue, un aumônier, et trois travailleurs sociaux. Tous suivent six heures par semaine – pendant au moins un an – les 14 personnes (8 hommes et 6 femmes, dont 10 attendent leur procès).

Construire un lien de confiance

L’accompagnement débute par la construction d’un lien de confiance. L’équipe de RIVE – des membres de l’association APCARS (Association de Politique Criminelle Appliquée et de Réinsertion sociale) – identifie les facteurs qui ont conduit les personnes vers la violence extrémiste, leurs motivations mais également les risques qu’elles présentent. Tous les aspects sont abordés : social, familial, religieux… au travers d’entretiens individuels ou de visite au domicile.

Et même si certains ont déjà fait de la prison, la nouvelle tentative du gouvernement est différente puisqu’elle se déroule en milieu ouvert. Un éducateur raconte :  » Nos entretiens, ça peut être au cours d’un repas chez eux, sur un banc, dans les transports en allant à pole emploi. Leur faire rencontrer un professeur de géopolitique, les emmener au Musée de l’immigration, lire la presse : l’équipe essaie tout ce qui fait sens ». L’aumônier de l’équiper précise aussi

On ne laisse jamais de questions sans réponse

C’est ce que l’équipe a compris : ce sont dans les vides, les failles que s’ancrent les idéologies radicales.

Tout sauf la prison

En juillet, les sénatrices Esther Benbassa (EELV) et Catherine Troendlé (LR) ont envoyé un rapport de près de cent pages. Dedans, les sénatrices tentent de répondre à la question suivante : l’État a-t-il mis en place les bons dispositifs en matière de désendoctrinement et de réinsertion des djihadistes en France et Europe ?

Pour cela, les deux élues dressent une liste de dix propositions, pour que la lutte contre la radicalisation soit plus efficace : « En trois ans, l’État a déboursé près de 100 millions d’euros, sans la « moindre évaluation méthodique » de la « longue liste » des associations subventionnées. »

Après l’échec du centre de Beaumont-en-Véron (en Indre et Loire) – le premier centre de déradicalisation en France qui accueillait des volontaires – fermé en février après à peine un an d’existence, le gouvernement expérimente donc de nouveaux projets.

Depuis la mise en place du nouveau programme RIVE, personne n’est retourné en prison, même s’il est encore un peu tôt pour dresser un bilan. Des changements commencent à se voir : le dialogue est en place, les personnes expriment des doutes sur leur endoctrinement, certains renouent avec l’emploi ou une formation. Le travail est de longue haleine : les professionnels estiment qu’il faut un an de suivi intensif pour que le changement s’installe vraiment. A terme, ce sont 50 personnes, toutes d’Ile-de-France, qui seront suivies sur l’année 2018. Le gouvernement réfléchit à dupliquer l’expérience dans d’autres régions. A l’heure actuelle, plus de 1 400 personnes sont visées en France par des enquêtes pour faits liés au terrorisme.

► Écouter le reportage de Corinne Audouin, qui a purencontrer l’équipe de Rive

Retrouvez l’article en ligne sur franceinter.fr

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